Nous sommes dans ces cinquante jours qui forment la grandiose fête de la résurrection. L’Évangile que je viens de proclamer nous fait entendre que pour Jésus aimer signifie que le Père passe avant lui et que les autres passent aussi en premier. En nous offrant un commandement nouveau, Jésus nous confie une mission impossible : AIMER
Nous avons été appelé par Jésus à le suivre. C’est pourquoi nous nous retrouvons chaque matin ici, autour de cette table, et davantage encore en ces heures qui marquent la fin de ce long dimanche, pour recevoir le souffle qui nous maintiendra en forme de Vie. Nous ne sommes pas des orphelins en recherche de notre Père, même si, paradoxalement, nous sommes des chercheurs de Dieu.
A l’heure où arrive ici l’icône de la Trinité, périclitant d’un monastère à l’autre en cette année jubilaire, je fais mien ces mots de l’antienne d’ouverture de ce jour : je veux, Seigneur, ne jamais me rassasier de ta présence. Oui, en regardant cette icône, ne jamais se rassasier d’habiter ensemble (Ps132), de partager cet harmonieux échange entre le Père qui n’est que communication au Fils, le Fils qui n’est que restitution au Père, et l’Esprit qui n’est que respiration vers le Père et le Fils qui aspirent vers lui (Maurice Zundel).
Nous voudrions voir Jésus. Voir ce Jésus qui suscite tant d’intérêt. Mais il n’a rien d’une vedette. Son vedettariat, sa gloire sera toujours d’être sur une croix. Sa gloire sera d’être ce grain de blé jeté en terre. Nous arrivons au seuil de Pâques et du chemin de la Passion. Voici l’heure. Elle nous reconduit cette heure à la première heure de l’Evangile, où Jésus disait à ses disciples : Venez et vous verrez.
peut paraître paradoxal de parler d’accomplissement au moment où Jésus voit venir son heure. C’est bien de cela dont il s’agit ce matin. Ce Jésus qui venait de déclarer à Marthe que Lazare était mort pour manifester la gloire de Dieu ; ce Jésus qui - à Béthanie à seulement deux kilomètres de Jérusalem,- lui affirmait qu’il est la résurrection et la vie, ressent dans sa propre personne qu’il doit accomplir des oeuvres plus grandes encore (Jn5,20).
Avec la liturgie, avec Jésus entrons dans Sa ville, Jérusalem. Jésus y vient pour visiter son peuple. Avant de se donner à ceux qui veulent le livrer, veulent sa peau, Jésus, en attendant son heure, lui, maître du temps, prends tout son temps, malgré qu’on cherche à le faire mourir, pour parler ouvertement. Avec assurance, Jésus demande, si nous le connaissons vraiment. Vous me connaissez ?
Pour conclure son Evangile, Jean nous présente un homme Pierre dont la vie n’a pas toujours été un cadeau. Un homme qui, après un long cheminement, est devenu cadeau de Dieu- roc- pour son Eglise naissante. L’itinéraire spirituel de Pierre est le nôtre. Jeune, Pierre mettait lui-même sa ceinture et allait où il voulait. Dit autrement, Pierre faisait ce qu’il voulait.
Commence pour nous ce temps, cet appel à la conversion qui nous place au coeur de l’année jubilaire. Se convertir, c’est le premier mot de la prédication de Jésus. L’accomplissement du temps de Dieu se traduit par notre conversion, par la purification de la mémoire (Bulle nu 11) Nous sommes tous des meurtriers de Dieu, tous des meurtriers de nos frères et soeurs, de façon subtile mais combien vraie. Le sang versé n’est pas la seule caractéristique du meurtre.
Toujours plus haut, toujours plus loin, mais aussi toujours plus en profondeur; voilà ce que vient de nous redire Matthieu à nous qui entrons à peine en carême. Jésus est allé jusqu’au bout de sa mission de nous faire comprendre que la vie, la vraie vie, vient du dedans. Nous vivons à partir du dedans. Avec autorité vous avez appris moi je vous dis Jésus proclame que la vérité est à l’intérieur, dans les intentions du coeur et non seulement dans ce qui paraît. Que d’investissement dans le paraître, dans la recherche de la pôle position !
Quelle page merveilleuse ! Quelle parole judicieuse ! Dieu nous a crée libre non pour le péché mais pour que nous ayons la gloire de partager sa manière d’aimer. Ce qui est encore plus merveilleux (la première lecture nous la redit), notre péché n’a pas entaché, entamé l’amour de Dieu pour nous. A mi-chemin de ce temps -jubilé de réconciliation - voici une loi sans tache (St Bernard), un joug suave, un fardeau léger : tu aimeras.
