Année B : samedi de la 4ième semaine CARÊME (litbc04s.24).
Jn 7, 40-53 : une parole qui ouvre des cœurs fermés.
Ce matin, je me laisse impressionner par cette déclaration des soldats. Jamais personne n’a parlé de la sorte. Ne restons pas sourds à leur réaction. Ces mots disent qui est Jésus. Ce sont des mots contemplatifs d’une autre vie qui ne se voit pas. Des mots qui donnent envie de croire les soldats. Ces mots en apparence inoffensifs sont tellement descriptifs de l’expérience des soldats au contact de Jésus qu’ils font bondir les savants docteurs qui s’empressent de discréditer des moins « savants » qu’eux.
Les soldats sont impressionnés d’observer que Jésus n’est pas abattu par le mépris et la haine contre lui. Il parle avec une telle conviction que malgré l’air ambiant polluer par le mépris, la haine, que sa parole fait autorité. Elle séduit cette foule qui ne sait rien de la Loi, les maudits. Les soldats refusent de demeurer indifférents aux paroles de Jésus jusqu’à se faire accuser d’être des « convertis », d’être eux aussi pour Jésus. Nicodème, cet éminent docteur de la loi, n’a pas craint lui aussi d’interpeller les siens à appliquer la loi de l’entendre pour savoir ce qu’il a fait. Leur méchanceté, écrit le livre de la Sagesse (2,11) les a rendus aveugles, ils ne connaissent pas les secrets de Dieu.
Les oppositions ne découragent pas Jésus, ne lui enlèvent pas sa joie, son métier étant de vivre par en dedans (François-Cassingena-Trevidy). Même dans un environnement conflictuel, Jésus n’a pas perdu sa sérénité intérieure. Nous observons cela chez des gens aux convictions profondes comme la mort récente de l’opposant russe Alexie Navalny dont on a écrit qu’il était une figure christique de l’opprimé volontaire, un homme qui a sacrifié sa vie, supprimé par le pouvoir[1] . Il nous arrive d’être impressionné devant l’attitude de quelqu’un soudainement foudroyé par la maladie. Le pape Benoit écrit et cela s’applique à cet homme que son amour pour son peuple fut un moment de « rédemption » qui a donné un sens nouveau à sa vie (Spes salvi # 26).
Depuis que dans le temple, Jésus a déclaré qu’aujourd’hui se réalise ce que vous venez d’entendre, une question permanente demeure d’où est-il sorti celui-là ? Qui est-il ?
En affirmant qu’il est le fils du charpentier, les docteurs de la Loi pensent tout connaître de ce contestataire qui jette de l’huile sur le feu. Ils ne le reconnaissent pas ce maître tant sa foi de Jésus ne se résume pas à des croyances, mais est une manière contemplative de vivre. Pour les savants docteurs de la Loi, Jésus vit sur une autre planète qu’eux en faisant exister tout le monde même les hors-la-loi. Un maître-mot résume sa vie : rencontre. Dès le départ, Jésus fut victime de l’intégrisme religieux de son temps.
Hier comme aujourd’hui, que de rumeurs sur ce Jésus ! Si tout ce que nous savons sur Dieu ne descend pas au plus profond de nous pour y prendre racine, notre foi est morte. La plupart des croyants connaissent Jésus sans le reconnaître, sans le laisser entrer dans leur être profond. Affirmer connaître Jésus rend difficile de nous ouvrir à la nouveauté et à l’étonnement des soldats. Sans réenchantement de notre relation avec Jésus, sans refonder, sans nous reconnecter à sa parole, nous risquons l’affadissement, la sécheresse intérieure.
Thomas d’Aquin écrit que nous ne pouvons saisir de Dieu ce qu’il est ; mais seulement ce qu’il n’est pas. Le début de la sagesse est de savoir que nous avons toujours à apprendre du neuf sur Jésus. Claire d’Assise sur son lit de mort demandait qu’on lui dise quelque chose de neuf sur Dieu. Sur la route de sa pâque, Etty Hillesum écrit que Dieu est ce que ni toi ni moi ne pouvons connaître qu’en devenant qui il est.
À ces disciples, pourtant témoins de son geste de nourrir la foule dans le désert, Jésus leur dit des mots semblables qui exprime son exaspération: vous ne comprenez pas encore, ne saisissez-vous pas (Mc 8,17).
À votre contemplation : méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement (He 12, 3).AMEN.
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