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2022-C-Mt 11,25-29- gardons le fil de la merveille

Réflexion que m’inspire la vie de Marie-Claire. 

Matthieu 11, 25-29 : Gardons le fil de la merveille.

Vous avez bien compris, si ce passage de Matthieu a été choisi par Marie-Claire, c’est qu’elle l’a signé de sa vie. Jésus dont la vie ne fut pas facile, qui a porté un lourd fardeau, qui fut constamment épié, surveillé, poursuivi parce qu’il faisait du bien, n’a cessé d’apprécier, de rendre grâce pour la vie qui était la sienne. Père, je te rends grâce. Père, je te loue.

À qui observe la manière de vivre de Jésus, il est facile de reconnaître que Jésus a vécu dans l’admiration malgré de vives et permanentes oppositions. Jésus s’émerveillait des enfants qu’il appelait, des engolfés ou si vous voulez des magouilleurs qu’il appelait à le suivre. Jésus a été l’un de ses phénomènes dont la présence aux autres fut d’une telle intensité qu’on en parle encore aujourd’hui. Jésus fut le plus parfait des humains.

La manière émerveillée de Jésus de vivre, son attitude foncièrement bonne, plein d’admiration, de louange, dit bien ce que fut Marie-Claire. Elle fut attirée par Jésus. Un poète René Char dit merveilleusement ce que fut Jésus pour Marie-Claire : l’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. Jésus fut sa lanterne. Quand il faisait noir dans sa vie, quand l’obscurité de ses pensées brouillait sa route, quand un « grain de carbonate » embrouillait son regard, elle levait les yeux vers son époux divin qui la tirait en avant. Pour elle, le mot aimer n’était pas un carcan étouffant, un poids écrasant. C’était une joie presque imprenable.

Comme son époux divin, la vie de Marie-Claire ne fut qu’un « oui » à la vie. Elle m’écrivait le 25 mars 2021 : sans prétention, j’oserais dire que c’est ce “oui” qui me poursuit depuis l’adolescence. Un “oui” qui s’est souvent transformé au fil des ans et qui ne répondait pas toujours à mes désirs, à mes attentes. Quand je regarde mon chemin de vie, les “oui” prononcés alors que j’avais le goût de crier “NON”, m’ont façonnée de manière inattendue. Et à bien y penser, j’avoue que Dieu avait raison.

L'auteure Christiane Singer écrit et cela me semble un autoportrait de Marie-Claire : notre devoir le plus impérieux est de garder le fil de la merveille. Grâce à lui, je sortirai vivante du plus sombre des labyrinthes.

Trois mots résument son passage parmi nous : émerveillement, louange et beauté

Devant nos yeux, une femme qui a gardé le fil de l'émerveillement même au milieu des épreuves, dont celle de vivre auprès d'un époux qui supportait mal sa douleur permanente. Elle vivait tous les événements comme un fardeau léger. Je le disais en ouverture, ma vie sera belle jusqu’au bout parce que c’est ainsi que je veux la vivre. Il était tragique à ses yeux de vivre sans dépasser les noirceurs inhérentes à toute vie, le négativisme qui l’entourait.

Marie-Claire n'opposait jamais l'émerveillement à l'épreuve. Pour elle, la vie était tellement belle que rien n'en entamait sa beauté. Elle trouvait la vie belle partout et dans tout. Chaque matin elle se maquillait non pas dans le sens négatif du terme, mais pour montrer à l’extérieur la beauté qu’elle vivait à l’intérieur. Cette beauté même sans sortir de son appartement lui était nécessaire pour ne pas sombrer dans le noir, pour se maintenir en vie et pour éviter cette culture de la banalité, celle de nos réseaux sociaux. Pour elle, c'était déjà merveilleux d'exister. Marie-Claire a fait partie de ceux que Dieu n'a pas laissés tranquilles.

Un sage chrétien du X11e siècle Hésychius, disait émerveille-toi et tu comprendras. C'est parce qu'elle savait s'émerveiller sur les petites choses qu'elle a évité la dictature de la tristesse et son refus de mener une vie blasée. Que d’heures elle a passé à ramasser ce que j’appelais ces « cochonneries » qu’étaient une brindille morte, un pétale de fleur, mais qui, transformées par ses mains, devenaient des petits chefs-d’œuvre de cartes personnalisées.

Marie-Claire a fait de sa vie une œuvre d’art de toute beauté. Elle a fait sien ce chemin de s'oublier pour devenir, et je la cite encore, femme, épouse, ergothérapeute, physiothérapeute, consolatrice des affligés, infirmière, préposée aux malades, soutien psychologique et j’en passe. Sa vie nous dit en acte qu’aimer c’est mourir à soi-même, à ses besoins. Elle aurait pu signer ces mots de Jeanne Smith-Rouly, une mère de famille dont on a découvert ses notes intimes après sa mort : c’est quand je n’existe plus que le mot aimer prend tout son sens.

Artiste dans l’âme, artiste dans sa belle manière de vivre sa nuptialité avec son époux intérieur, artiste dans l’art de conserver sérénité et enthousiasme, artiste dans sa joie qui dérangeait, artiste jusqu’à ajouter une fleur à sa chevelure. J’ai réalisé hier à la messe, m'écrivait-elle, que ce que je perdrais en force physiques, je pourrai le compenser par une plus grande sérénité, un abandon limpide, une joie de vivre les petits détails de la vie […]. Pour moi, tout est beau.

Marie-Claire a maintenu la lampe de l'émerveillement allumée. Celui qui a perdu la faculté de s’étonner et d’être frappé de respect est comme s’il était déjà mort, écrivait le grand Einstein. Elle savait dépasser la visibilité des choses matérielles pour ouvrir son regard sur l’invisible, sur la présence de son époux divin.

Elle n’était que louange. Femme de passion, de générosité, de feu, de foi. Femme amoureuse de la langue, trop vivante pour s'enfermer dans une vie sans vie, sans âme. Son combat fut de refuser la maladie de notre société, celle de vivre sans vie dont le leitmotiv se traduit par le fameux « à quoi bon ». Toute sa vie, elle a gardé le fil de la merveille.

Lors de ma dernière rencontre avec elle en décembre dernier où elle me reprochait amicalement une distanciation de plus de deux ans (Covid oblige), j’étais sans mots de l’entendre m’exprimer la profondeur de sa foi. Sa plus grande joie alors qu’elle souffrait dans tout son corps, était et je la cite à nouveau, je me sens fondue en mon époux divin.

Je vous cite en terminant, comment elle a vécu sa culbute de ce fameux samedi saint 2004 au monastère des Petits Frères de la Croix : Tout a basculé. Je ne peux pas dire que j’ai vu quelqu’un. Non, j’ai juste senti SON regard se poser sur moi. Mais quel regard ! Un regard qui a illuminé tout mon être jusqu’au fond de mon âme. Le Seigneur venait de jeter par terre toutes mes défenses, mes barrières pour que personne n’entre dans mon jardin secret […]. La colère a disparu. La détresse et la tristesse aussi. Il ne reste que la peine. Une peine profonde […] elle fait partie de mon être. Je dois apprendre à la transcender. Je ne réussis pas toujours. J’ai la conviction profonde que je vais être capable de vivre ce que j’ai à vivre. Je SAIS que je ne suis pas seule. Il est là. Et elle ajoute si tu penses que je suis illuminée, dis-le-moi. Je lui répondis : non.

Puisse-t-elle maintenant entendre la voix de son époux intérieur lui dire : entre dans la joie de ton maître et viens t'asseoir à la table de mon eucharistie sans fin. AMEN

 

  

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Samedi, 15 janvier, 2022

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