Année B : dimanche de la 24e semaine ordinaire (litbo24d.21)
Mc 8. 27-35 : devenir racine.
Nous parlons souvent de Jésus comme s'il n'existait pas dans nos vies. Nous en parlons comme nous parlons d'événements récents comme le 11 septembre 2001. Il ne s'agit pas de convaincre les autres de l'existence de Jésus, mais de nous convaincre de son importance dans nos vies. Il faut passer de l'admiration à l'imitation.
Un poète hongrois de grande renommée, Miklós Radnóti, emprisonné à cause de sa foi juive et mort en prison, écrit d’expérience dans une lettre à sa femme : je suis moi-même une racine maintenant... J'étais une fleur, je suis devenu une racine.
Cela me semble être l’une des plus belles réponses à la question de Jésus, pour vous, qui suis-je ? Pierre a donné la sienne, mais il a refusé, nous dit Marc, d’en prendre le chemin, de devenir racine. Jésus se tournant interpella Pierre : passe derrière moi, Satan. Reconnaître Jésus, c’est prendre le chemin de l’effacement, d’accepter de devenir racine, de devenir enfouissement. Ce chemin est folie, est scandale ((1 Cor 1, 23-14), une route vers la mort de soi et pourtant route de vie. Combien de fois n’aspirons-nous pas à un christianisme de vainqueurs, à un christianisme triomphaliste, qui reçoive gloire et honneur. Prôner un chemin sans être racines, c’est offrir une fleur, pour citer le poète hongrois, mais c’est prôner un chemin mondain et stérile.
Nous préférons regarder les beaux fruits, donner de belles réponses. Nous oublions que tout beau fruit nécessite de bonnes racines qui résistent à tous les sols et à toutes les intempéries. Aujourd'hui, nous voudrions une Église grandiose et observons tristement que sa splendeur décline. La beauté repose sur des racines qui résistent aux intempéries. Désirer un Jésus puissant dans le sens de possédant pouvoir et honneur, c’est désirer un faux Christ. C’est proclamer un faux messianisme.
Reconnaître Jésus, fils de Dieu, entraîne à rejeter tout triomphalisme pour vivre tendu vers la recherche du bien de l’autre jusqu’au sacrifice de soi. Jésus se présente lui-même comme une racine qu’aucune tempête ne pourra arracher. Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. Il est comme une miette de pain nourrissante, comme une croix qui produit un beau fruit et non comme une fleur. Le fruit de notre foi ne sera beau qui si nous sommes enracinés dans l’expérience de Jésus, que si nous marchons à sa suite.
Marcher avec Jésus, c’est aller de l’avant dans la vie même si le chemin est raboteux ; c’est marcher chaque jour à la rencontre de l’autre, de lui tendre la main, de lui sourire. C’est vers eux que nous pousse l’Eucharistie qui nous transformera en eucharistie que si nous faisons corps avec eux, rompons notre pain avec eux. Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi manger, si l’un de vous leur dit : allez en paix […] à quoi cela sert-il, s’interroge Jacques dans la lecture (Jc2, 15). Il ajoute ta foi est morte. Marcher avec Jésus n’est pas une poursuite du succès. Pierre n’avait pas compris cela en refusant à Jésus de prendre ce chemin. Ce n’est que plus tard qu’il comprendra cela.
Nous, qui répondons rapidement à la question de Jésus, sommes-nous enracinés dans l’écoute de Jésus jusqu’à prendre son chemin ou sommes-nous comme Pierre prompt à refuser le chemin de prendre sa croix ? C'est lorsque nous sommes racines que nous semons des potentiels germes de beaux fruits, que nous devenons crédibles. Sommes-nous prêts à déclarer que Jésus est racine ? Sommes-nous prêts à n’être que racines ? C’est R.M. Rilke qui écrit : Dieu attend, caché au fond de tout. Vers le bas. Enfoui profondément.
Nous cesserons de donner des réponses maquillages à la question de Jésus si nous redevenons une Église racine, si nous sculptons dans nos cœurs son chemin. Alors nos prises de parole seront crédibles, voire recherchées. AMEN.
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