Année A : mardi de la 2e semaine Avent (litaa02m.16)
Matthieu 18, 12-14 : la brebis égarée, est-ce moi ou Jésus ?
Jésus s’exprime en image. Cela n’enlève rien à la Parole, mais l’image frappe l’imagination. Et dans l’image de ce matin, celle de la brebis égarée, Jésus se fait rêveur. Rêveur d’un monde où toutes les frontières sont abolies, les exclusions inexistantes. Que de personnes oppressées, rejetées, repoussées, rencontrons-nous sur nos chemins et à l’intérieur même de nos familles !
Jésus ose dire à ses disciples de manière subtile de ne pas privilégier les meilleurs en négligeant les fragiles. Il les invite à accueillir sans exclure, sans classifier les autres sur la base de la condition sociale, de la langue, de la race, de la culture, de la religion : devant nous, il n’y a que la personne à aimer, comme Dieu l’aime (Pape François, jubilé des sans-abris, 12/11/16).
À ses yeux, c’est inacceptable d’abandonner les égarés, les fils prodigues partis au loin. La plus grande, voire la seule réussite de Jésus durant sa vie publique, fut de démontrer comment il est à l’aise avec les hors-la-loi de son temps, les publicains, les Zachée, les samaritaines, les Lazare. Il s’est fait l’un de nous pour aller chercher les exclus.
Ce matin, Jésus trace à ses disciples une grammaire d’évangélisation : chercher, rencontrer, porter. Au lendemain de son élection, le pape François invitait les cardinaux à se tenir en mouvement : marcher, édifier, confesser. Mais la chose n’est pas si facile, parce que dans le fait de marcher, de construire, de confesser, bien des fois il y a des secousses, il y a des mouvements qui ne sont pas exactement des mou-vements de la marche : ce sont des mouvements qui nous tirent en arrière (cf. homélie 14/03/13).
Mais pour nous, que signifie «partir à la recherche de la brebis égarée»? Égarée et non perdue, dit le nou-veau lectionnaire. Qui est égaré à nos yeux ? Souvent, nous préférons attendre que nos enfants égarés, qui ont pris un mauvais tournant, nous reviennent. Nous les accueillons les bras ouverts et avec joie.
Jésus demande plus que d’attendre leur retour. Plus que de les accueillir avec joie. Il veut que nous partions à leur recherche. Dans nos familles, dans nos communautés chrétiennes, religieuses ou contemplatives, il y a des brebis égarées. Physiquement, elles ne sont pas loin, mais intérieurement, par le cœur, elles sont «parties», absentes, au loin. Les cherchons-nous ? Les recherchons-nous, et comment ?
Jésus ne nous dit pas comment aller chercher l’égarée, celle qui est juste un peu loin. Il dit seulement, c'est un petit détail important, jusqu’à ce qu’il la trouve (Cf. Lc. 15, 4). Chercher, cheminer peut prendre des années, voire toute une vie. Il est parfois moins exigeant de la laisser tomber, de l’envoyer à l’abattoir plutôt que de la chercher et la ramener à la maison tant elle déborde de «bibittes», de poux.
La seule joie de Jésus, imprenable, est de serrer dans ses bras, tendrement et sans condamner, l’égarée de la route. De la porter sur ses épaules. Et quand on sait qu’une brebis, me dit-on, peut peser entre 45 et 100 kg, ça veut dire que Jésus porte toute la personne sur ses épaules. Très beau.
Et Noël, si c’était Jésus, cette brebis égarée qui a quitté sa terre céleste, sa demeure où il vivait en paix avec son Père et l’Esprit. Si c’était Jésus qui nous porte sur ses épaules de sa passion, se demande saint Pierre Chrysologue, puis tout remplit de la joie de la résurrection, il l’a élevée, par son ascension, jusqu’à la demeure du ciel. Quelle magnifique contemplation de Noël que cette image !
Comme un berger, vient de nous dire Isaïe (40, 11), il fait paître son troupeau, son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent. AMEN.
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