Année A: Mardi 22e semaine ordinaire (litao22m.14)
Luc 4, 31-37: frappé par son enseignement
Par sa manière de parler, Jésus fascinait. Il faisait fureur tant son langage était convaincant. Sa grande capacité de communiquer étonnait. Attirait. Jésus tenait, dirions-nous aujourd'hui, un langage charismatique. Sa parole avait beaucoup d'impact. Elle appelait respect et obéissance. Les chefs religieux et politiques n'en revenaient tout simplement pas. On était frappé par son enseignement parce que sa parole était pleine d'autorité. À preuve, Luc ajoute l'épisode d'un homme possédé par un esprit démoniaque et que Jésus libère de son emprise.
C'est un paradoxe d'affirmer que Jésus parlait avec autorité alors que tout l'évangile nous présente un Jésus sans pouvoir. Autre paradoxe aussi, parce que Jésus n'a revendiqué ni autorité, ni la première place. Mon royaume n'est pas de ce monde, déclare-t-il à Pilate.
Ce qui fait autorité chez Jésus, ce qui fait jaser son entourage et les chefs religieux, par quelle autorité fais-tu cela ? (Mc 11, 28), et que constatent les auditeurs, c'est que quelque chose jaillissait de son être le plus profond. Jésus parle de source et cela se traduisait par un langage neuf. Il fait ce qu'il dit. Il dégage une grande authenticité. Tellement transparent qu'on voit en lui le Père, dira Jean. C'est sa personne même qui dégage une force qu'aucune autorité humaine ne peut rejoindre ni rivaliser. C'est ça, la bonne nouvelle.
Cette scène inaugurale de l'évangile de Luc, haute en couleur, actualise tout le programme pastoral de Jésus. Il est venu non pour dominer les humains, mais pour dominer les forces du mal. C'est contre elles que Jésus intervient avec autorité et non contre les humains. Son programme pastoral devient réalité pour l’homme possédé par un esprit mauvais. Dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus engage une lutte à finir contre les forces du mal qui aliènent l’être humain, le prennent en otage et l’empêchent de se réaliser pleinement. Jésus redonne sa liberté à l’homme possédé, afin qu’il puisse répondre à sa vocation de personne créée à l’image de Dieu et vivre une riche existence au service de la vie et de l’amour.
Que retenir pour nous aujourd'hui ? S'il est aujourd'hui interdit d'interdire, comme le clamait le slogan de Mai 68 en France, il n'est pas interdit d'offrir une parole non d'autorité ni autoritaire, tu dois faire cela, mais qui fait autorité. Notre parole fera autorité, gagnera en autorité dans la mesure où elle est authentique et sincère, dans la mesure où elle émerge de notre cœur profond. Paul VI avait bien compris cela quand il déclarait dans sa lettre sur l'évangélisation que l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres […] ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins.
Mais comment, aujourd'hui, nous donner une parole pleine d'autorité ? Cela commence quand nous partageons, côtoyons, marchons sur le chemin des personnes, entrons dans leurs peurs, sommes touchés par leurs déceptions, leurs questions, leurs échecs et leurs doutes. C'est quand nous réchauffons les cœurs des blessés que sont les personnes séparées, toxicomanes, les prisonniers, que nous donnons autorité à leur vécu, que nous partageons leur pain comme Jésus l'a fait sur la route d'Emmaüs; alors nous parlons avec pleine autorité parce que nos paroles sont perçues comme des paroles accueillantes de leur situation. Ce chemin est dangereux. Compromettant. Jésus avant nous en a pris le chemin.
À votre contemplation: l'autorité de Jésus n'a rien d’une condamnation. Elle n'a qu'un but: rendre l'autre conscient de ses actes, de ses choix, de sa vie. Elle est révélation de son être profond. Ainsi en est-il pour nous. Nous parlons et parlerons avec autorité quand nous démontrerons que la Parole de Dieu est enfouie dans notre être profond, qu'elle n'est pas une Parole extérieure à nos vies, qu'elle atteint les lieux les plus sombres de nos cœurs. Que l'esprit de Dieu dont parle Paul dans la première lecture nous donne de parler avec [cette] pleine autorité. AMEN.
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