Année B: Mardi octave de Noël (litbno00.11)
Jn 20, 2-8 : Jean a découvert les secrets de son cœur
Que personne ne dise que Jésus a préféré l'un de ses apôtres à un autre. Même s'il a conféré la primauté à Pierre, il n'a pas pour autant eu moins d'affection pour les autres. Il a confié, dit Aelred de Rielvaux, moine cistercien anglais du XIIe siècle, son Église à Pierre ; il a remis à Jean sa mère tendrement aimée (Jn 19, 27). Il a donné à Pierre les clés de son royaume (Mt 16, 19) ; il a découvert à Jean les secrets de son cœur.
Contrairement aux autres évangélistes, Jean raconte ce qu'il a vu, entendu, touché du Verbe de Vie. Tout au long de son évangile, il porte un regard nettement contemplatif sur celui dont il a écouté battre le cœur en se penchant sur sa poitrine. Il a été ainsi initié à la beauté des battements de ce cœur divin (Jn 13, 25). Nul n'a pu plonger plus profondément que lui dans la contemplation de ce cœur blessé d'amour qu'il nous a fidèlement conservé et transmis. Par lui, nous savons que nous sommes des invités -heureux les invités- à entrer dans cette inestimable et indescriptible intimité avec Jésus et par lui avec le Père.
Son expérience -pourquoi pas sponsale- de Dieu, lui a fait écrire : c'est moi la lumière du monde; c'est moi le chemin, la vérité et la vie ; c'est moi le berger (cf. 8, 12; 14, 6; 11, 25; 10, 9-11).Il termine le récit de son Apocalypse en ajoutant -et quelle expérience contemplative il nous laisse voir en écrivant cela- c'est moi l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin, le premier et le dernier (22, 13).
Jean est l'unique auteur, écrivain biblique, qui nous donne une définition de Dieu, non à partir de son agir dans l'histoire, mais à partir de son être profond. Il nous dit que Dieu est lumière (1 Jn 1, 15); que Dieu est esprit (Jn 4, 24); que Dieu est amour (1 Jn 4, 16). Benoît, le pape théologien, fait remarquer que Jean n'a pas dit que Dieu aime ou que l'amour est Dieu, il a dit que Dieu est amour (Catéchèse du 9 août 2006). Jean ne décrit pas Dieu à partir de son action -Dieu aime- mais à partir de son être même -Dieu est amour. Merveilleuse confirmation de sa grande intimité et de sa connaissance de Jésus !
Pierre a été élu pour agir, Jean été mis à part pour nous présenter l'affection de Jésus qu'il a goûtée dans sa contemplation. Pierre a reçu les clés du Royaume des cieux (Mt 16, 19). Jean a été gratifié d'un autre héritage : il a pénétré le mystère de Dieu, où sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance (Col 2, 3).Il a éprouvé la joie de sentir battre le cœur de Jésus. Cette joie est la nôtre en ces jours où nous fêtons notre devenir divin comme l'affirme une préface de Noël.
Parce qu'il a été le premier à reconnaître Jésus jusqu'à s'empresser à lui présenter son frère Pierre, Jésus lui a ouvert son cœur de Fils du Père. Il lui a ouvert les secrets de son cœur pour faire de lui l'écrivain de ce dont personne ne peut, de lui-même, en soupçonner la moindre profondeur : le mystère du Verbe de Dieu, du Verbe qui s'est fait chair. Ce qui était depuis le commencement [...], ce que nous avons contemplé […], nous vous l'annonçons (1 Jn 1, 1-3). Etnous savons que son témoignage est vrai.
Saintetés, nos yeux de chair peuvent voir le corps de Jésus mais seul le cœur en voit le Verbe, précise saint Augustin. Pas étonnant alors que, pour le remplacer près de sa mère, Jésus, mourant, lui ait confié ce disciple qu'il aimait : Femme voici ton Fils (Jn 19, 26). Ce qui signifie: femme, voici celui qui a vu ma gloire, qui m'a reconnu dans toute ma divinité et a goûté mon inexprimable bonté.
Comme pour nous indiquer le chemin à l'heure de l'évangélisation, Jean a annoncé un Dieu dont il a touché le cœur et qui l'a touché au cœur, non pas abstraitement, non pas idéologiquement, mais «viscéralement». S'il est vrai que la foi naît de ce qu'on entend (Rm 10, 17), elle se propage par ceux et celles qui savent se reposer en Jésus, en prenant du temps, beaucoup de temps, à contempler celui qui les anges désirent contempler (1 Pi 1, 12),le Verbe que le Seigneur nous a montré (Lc 2, 15). AMEN.
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