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2006 -B- Jn 14, 1-6- Funérailles de maman-

homélie pour les funérailles de MAMAN AGÉE DE 95 ANS - 18 AOUT 2006

Comme les disciples au matin de Pâques, nous nous retrouvons maintenant non devant une tombe de mort mais une tombe qui cache selon la belle expression d’un Père de l’Église «  une  espèce de vie nouvelle ». Entendons Jésus nous dire : « celui qui croit en moi ne mourra jamais ». «  Si le grain de blé ne meurt ».

Je nous invite à projeter sur cette vie qui s’achève –dans les très beaux mots de Simone Weil – " un regard qui sauve"  parce que" ce qui se voit est provisoire mais ce qui ne se voit pas est éternel"  (2 Cor4,18) « L'essentiel est invisible » écrivait le petit prince. Et le renard ajoute : « les hommes ont oublié cette vérité. Mais toi, tu ne dois pas l'oublier ».  Ne jamais oublier que « nos jours s’en vont mais que Dieu offre de les prolonger en les faisant entrer dans Le sien » (Augustin Guillerand)

Un  tel regard – ce regard sur l’essentiel invisible - naît qu’après un long travail à Le regarder. Qu’après de longue fréquentation pour « évangéliser nos profondeurs » (Simone Pacot) Ce regard là exige de devenir aveugle pour éviter de se laisser aveugler par ces appels des forces du dehors. Un tel regard exige de devenir sourd à toutes ses voix qui questionnent notre foi en la vie éternelle pour entendre celle du dedans, qui vient de nos profondeurs. Appel à oser une vie nouvelle.  Un tel regard nous impose de devenir muet pour écouter la voix du Seigneur. Évitons ce reproche que Marc l'évangéliste écrivait : « vous avez des yeux et vous ne regardez pas. Vous avez des oreilles et vous n'écoutez pas » (Mc8,16)

S’il y a aujourd’hui urgence, c’est bien de nous donner sur la vie un regard aux yeux de Pâques, un regard qui sauve. À l’heure où notre regard souffre d’overdose du moi, où notre champ de vision s’obscurci et se voit affecté par de nombreuses cataractes même en bas âge, la vie de maman invite à enrichir notre regard humain d’un regard divin de Dieu sur nous. Nous sommes nés pour naître en Dieu. Un champ de vision au regard de foi transforme la mort en passage. « La vie n’est pas détruite, elle est transformée » dira la préface. Celle de Pâques clamait « en mourant il  a détruit la mort, en ressuscitant il nous a rendu la vie ».  Celle de Noël :"il s'est fait l'un de nous pour que nous devenions éternel".

J’en conviens, ce sont là des mots mystères, mots mystère de foi qui se laissent découvrir qu’après un long travail d’enfantement. Des mots qui font rebondir quand le poids de la vie nous accable. Avec maman- et ce sont des paroles à recevoir sur le bord du mystère – clamons,  « Je crois à la Vie » « Je ne quitte pas, j'arrive » disait la petite Thérèse en qui maman avait une grande confiance.
 
La vie de maman qui vient " de prendre le chemin de tout le monde " (Job) nous rappelle cette vérité à ne pas oublier et qu’exprimait dans un lointain passé Socrate : « la vie non regardée en profondeur ne vaut pas la peine d'être vécue car ce n'est pas la vie ». Maman croyait profondément, intensément en cette vie.

Cette vie qui s’achève fut « une véritable lettre de Dieu » ( 2 Cor3,3) Une lettre de louange et j’ajoute toute mariale. Lettre de louange parce que maman savait apprécier ce qu’elle avait.  Apprécier l’eucharistie que je célébrais avec elle et qui était pour elle une véritable nourriture qu’elle goûtait avec la profondeur de sa foi. Lettre de louange parce que son premier geste le matin comme son dernier le soir était de faire sur elle le signe de la Croix « même si j’ai plus de misère qu’avant » me disait-elle récemment. 

Lettre de louange pour sa foi qui n’était pas un refuge pour personne angoissée mais une remise de sa vie, un abandon entre les mains de Dieu et de Marie. Alors que la plupart d’entre nous, vivons nos vies comme un no-where, si vous me permettez l’expression, maman savait la direction de sa vie. Elle en savait le chemin. Elle a projeté sur sa vie comme sur sa mort qu’elle a vu venir des yeux de Pâques. De Lumière. Quand lundi dernier, et ce furent les dernières paroles qu’elle a entendues, je lui disais : « demain, c’est l’Assomption et Marie vient vous chercher pour vous présenter à son Fils », un sourire a resplendi sur son visage.

Lettre de louange aussi, pour dans les mots de Claire d‘assise, la grâce du travail qui était sa première richesse et l’objet de son appréciation quotidienne. « Merci mon Dieu » exprimait-elle au soir d’une journée bien remplie. À chaque visite chez son médecin, elle lui répétait que « Ce qui me tiens vigoureuse, c’est que je travaille au Centre à chaque semaine ». Il l’encourageait « à ne pas arrêter ». Sans qu'elle le sache, sa vie a été une preuve de ce que disait Bette Davis : « la vieillesse n'est pas faite pour des poules mouillées ».

Aujourd’hui, je rends gloire à Dieu parce que maman n’est pas morte avant sa mort. " Elle a choisi la vie et non la mort " (Dt30,15) Sa vie fut une succession de Pâques, une succession d’une paix intérieure profonde qui se percevait même au travers les tempêtes inévitables qu’elle vivait dans des neuvaines à Saint Thérèse, à Marie. Que de neuvaines elle a faite ! Sa manière de vivre- surtout ces dernières années-  fut une naissance quotidienne à autre chose.  Lentement, elle a su larguer les amarres, se détacher du désir de tout faire, (sauf de celui de me dire quoi faire, comment faire). Elle a su apprécier son quotidien, les coups de téléphone, tous ces petits riens qui lui valaient tant et la ravissait. Elle a accepté sereinement les « cicatrices inévitables » d’une vie avancée en âge. Elle a évangélisé sa vie en l’harmonisant à la Volonté de Dieu sur elle. 

Elle nous lègue une manière d’écrire nos vies pour qu’elles deviennent Pour qu’elles deviennent comme la sienne des vies offertes dans le service des autres et de la prière. Devant cette vie vécue en santé qui s’achève, je clame dans les mots de François d’Assise : « Loué sois-tu pour notre sœur la mort ».

À notre regard contemplatif : se réalise maintenant pour maman ce qu'elle a toujours ardemment désirée : ce mariage nuptial avec son Dieu qu'est l'aboutissement normal de toute vie chrétienne. Elle peut maintenant dire dans ses très beaux mots de Maurice Zundel mon "Je est un Autre". Son être profond est désormais Celui de Dieu. Mystère de foi. Mystère de joie qu'elle reçoit  de Dieu et qu'elle nous confie pour les générations à venir. Quelle richesse il y a dans cette lettre écrite pour nous aujourd’hui par Dieu lui-même !  Que Marie dont elle priait chaque jour dans son chapelet la présente maintenant à son Fils pour qu’il la reçoive à la table de l'eucharistie sans fin. AMEN 

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Mardi, 1 août, 2006

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