Mt 3, 1-12 : Où cours-tu chrétiens ?
Notre culture nous disperse dans toutes les directions. Nous vivons en extravertis, à la surface de nous-mêmes. Notre existence est remplie de choses à faire. À voir. Nous sommes constamment assaillis par des stimulus visuels et auditifs. Nous sommes connectés à tout, mais déconnectés de notre vie intérieure. André Louf parle d’une conspiration contre la vie intérieure. Nous nous ne savons plus vers quoi orienter notre vie. Nous vivons un grand vide intérieur.
Nous vivons notre foi comme du dehors, comme des choses à faire : faire sa prière, faire l’aumône, faire péni-tence. Si disait saint Augustin une relation avec un(e) conjoint (e) change une personne combien plus une relation vraie avec Dieu. Ne nous contentons pas d’être des chrétiens de convenance, d'habitude ou de confort, qui ne font que porter l'étiquette chrétienne (Léon X1V).
Nous sommes éduqués à la vie extérieure, qui fascine et accapare. Nous ne sommes pas formés à la vie inté-rieure. C’est la plus grande pauvreté de notre temps. Nous avons tendance, qui que nous soyons, à nous laisser disperser, à nous laisser préoccuper par des choses extérieures à nous, sans valeur, par de vaines curiosités.
L’appel de Jean-Baptiste résonne comme un appel à vivre en profondeur. À passer d’une religion de pénitence à une vie d’émerveillement. Mon royaume est en vous. Trop souvent se convertir est compris comme un code de morale à observer. En invitant à reconnaître Jésus au milieu d’eux, Jean-Baptiste invite ses disciples non pas à faire quelque chose, mais à donner de la profondeur à leur regard. À leur vie. Moi, je baptise dans l’eau, lui vous bapti-sera dans l’Esprit et le feu.
Se convertir, c’est grandir par en dedans. Ce n’est pas monter plus haut, mais descendre plus bas. C’est passer d’une vie de surface à une vie en profondeur. C’est plonger en nous-mêmes, passer du régime de la loi et des observances à celui de la liberté intérieure. Nous grandissons par en dedans. Le grand mystique Angelo Silesio (1624-1677) écrit O chrétien, où cours-tu ? Le ciel est en toi. Nous possédons le ciel en nous. Notre vie est ancrée au ciel (Pape François) en nous que la tradition nomme le temple caché, le cœur. Nous portons en nous le paradis (Père Stinessenn).
Produire en nous un fruit digne de la conversion qu’appelle Jean-Baptiste est de changer de regard, de transfor-mer nos images de Dieu. Ce changement n’est jamais terminé. Dieu n’est pas un être extérieur à nous. Dieu ne se laisse pas enfermer dans nos représentations. Il échappe à nos catégories humaines. Se convertir à un Dieu source de vie en nous. Travail jamais accompli. Nous parlons mieux de Dieu que nous en vivons. La vie chrétienne consiste simplement à devenir ce que nous sommes déjà, saints et pécheurs (1 Jn 3.1-2 ; Pi 1.3-4).
Jean-Baptiste montra au monde l’arrivée d’un changement radical dans la manière de croire. Une nouvelle manière de comprendre Dieu. Il n’est plus une superpuissance, mais un Dieu tellement au milieu de nous qu’il est difficile à reconnaître. Jean reconnaît en Jésus quelqu’un qui va bousculer une religion rigide, toute extérieure, faite de codes, de dogmes et de rites. Il anticipe que le loup habitera avec l’agneau. À comprendre : nous sommes tous frères et sœurs. Il voit se profiler une religion plus intérieure qu’extérieure. La conversion que Jean annonce est l'avènement d'une foi où « le dedans » est plus important que « le dehors » ; où l’être plus puissant que le pa-raître.
La vie se trouve « au-dedans ». Il faut aujourd’hui beaucoup d’imagination, d’astuce pour y arriver dans ce dedans tant les choses du dehors sont alléchantes. Il y a en nous plus de pays lointains à découvrir que dans l'univers. Une célébration pour apprécier « le dedans ». Pour apprécier qu’au fond de moi, il y a plus que moi. Mon « je » est un « autre (Maurice Zundel).
Ajouter un commentaire