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Émard, Mgr Joseph-Médard 1892-1922

« Video ut faciam »

Mgr Joseph-Médard Émard est né le 31 mars 1853 à Saint-Constant (LaPrairie, Québec). Il fut le premier évêque du diocèse de Valleyfield, de 1892 à 1922. C'est dans la cathédrale Sainte-Cécile de Valleyfield, le 9 juin 1892, qu'il fut sacré par Mgr Édouard-Charles Fabre, archevêque de Montréal.
 
Évêque fondateur du diocèse de Valleyfield
Mgr J.-Médard Émard

Faire connaître à la population du diocèse de Valleyfield celui qui en a été le fondateur, c'est réveiller en nos cœurs le souvenir d'un homme aux qualités exceptionnelles dont les œuvres ont été à la hauteur de ses dons merveilleux.

 

L'homme nous remet en mémoire ces paroles de Dieu adressées au prophète Jérémie : je t'ai établi pour « bâtir et planter » (Jér. 1.10).

 

Cet homme avait été préparé pour bâtir. Il a été un bâtisseur. Dieu choisit ses pasteurs et les dirige lui-même par des voies qui les préparent à leur mission .

 

I. Les voies par lesquelles Dieu prépare l'homme

Mgr Joseph-Médard Émard, le premier évêque de Valleyfield naquit à Saint-Constant le 31 mars 1853. Il était fils d'un instituteur. Il fit ses études théologiques au Grand Séminaire de Montréal et fut ordonné prêtre par Mgr Fabre, archevêque de Montréal, le 10 juin 1876. Il fut alors nommé vicaire à la paroisse Saint-Enfant-Jésus. Mais quelques mois plus tard, il partait pour Rome. Il y obtint un doctorat en Théologie et en Droit canonique.

 

Il revient à Montréal à l'été 1880, après un voyage en Terre sainte, dont il a publié ses souvenirs. Car disons que Mgr Émard était écrivain et orateur remarquable.

 

Le 27 août 1880, il fut nommé vicaire à la paroisse Saint-Joseph de Montréal. Il y demeura un an. Le Seigneur qui avait commencé à préparer ce pasteur par de hautes études, l'amenait d'abord à vivre avec les gens humbles. Ce contact quotidien avec des fidèles ordinaires devait affiner sa sensibilité et lui aider à comprendre comment se vit la vie chrétienne de tous les jours.

 

C'est en septembre 1881, qu'il fut appelé à l'archevêché de Montréal pour y remplir le rôle de vice-chancelier pendant 8 ans soit de 1881 à 1889 et de chancelier de 1889 à 1892. Dès 1887, quand l'Université Laval établit à Montréal sa faculté des Arts, on lui confia la chaire d'histoire ecclésiastique. En 1891, il avait été nommé chanoine titulaire du diocèse de Montréal.

 

Comme on le voit, Dieu a préparé ce pasteur par des études théologiques et canoniques tout en lui fournissant l'occasion de fréquenter par son ministère tous les milieux de vie.

 

Dans une lettre du 11 mai 1892, Mgr Fabre, archevêque de Montréal annonçait l'érection du diocèse de Valleyfield et écrivait : « Dieu prépare ses Pontifes à l'exercice de leur redoutable ministère. Science pour éclairer, vertu pour édifier, prudence pour diriger, expérience pour mieux gouverner, telles sont les qualités nécessaires aux Pasteurs des âmes » (Œuvres Pastorales de Mgr Émard, Vol. I, p. XV).

 

Tous les hommes cherchent le bonheur; les études théologiques de Mgr Émard, sa méditation de la Parole de Dieu lui avait laissé entrevoir les valeurs qui comblent de joie le cœur de l'homme. Aussi Mgr Joseph-Médard Émard a-t-il été un homme de Dieu d'abord attaché aux valeurs spirituelles. Ses études de Droit canonique lui avaient appris qu'il y avait des balises à placer le long du chemin, pour que l'homme atteigne dans la joie le terme du voyage : aussi Mgr J.-M Émard a été un homme discipliné, ordonné, qui avait le sens de l'organisation. Pour lui, le Droit canonique était une expression de la sagesse des siècles dans la conduite humaine. Mgr Émard en était si convaincu qu'en 1918, alors qu'il était évêque de Valleyfield, il publiait un volume de 300 pages sur le nouveau Code de Droit canonique. Il invitait ses prêtres à en faire l'étude lors de leurs réunions.

 

Mgr Fabre écrivait de plus : « Nous avons donc l'assurance, nos très chers frères, que pierre angulaire d'un nouveau diocèse, l'évêque de Valleyfield va commencer une lignée de pieux pontifes et d'avance nous saluons avec joie les longues et belles années de prospérité et de vie chrétiennes qui s'ouvrent dans cette Église naissante ». (Œuvre past.., Vol. I, p. XIII).

 

II. Le coin de pays qui le reçoit

Si l'homme était bien préparé pour semer la Parole de Dieu; disons que le coin de pays qui le recevait faisait partie de cette bonne terre qui sait faire croître la semence.

 

Mgr Joseph-Médard Émard n'arrivait pas dans un pays vierge. Le coin de terre qui comprenait les comtés de Vaudreuil, Soulanges, Châteauguay, Beauharnois et Huntingdon, avait été bien préparé par les 57 prêtres qui y travaillaient déjà avec les fidèles de 33 paroisses et les religieux et religieuses de nos différentes maisons d'éducation et d'enseignement. Évidemment, toutes ces paroisses et ces institutions étaient auparavant rattachées au diocèse de Montréal.

 

Érection du diocèse de Valleyfield

Par une lettre du 5 avril 1892, Léon XIII avait érigé le diocèse de Valleyfield. C'est le 11 mai 1892 que l'archevêque de Montréal annonçait dans une lettre pastorale, l'érection du diocèse de Valleyfield et la nomination, par le Pape Léon XIII, de Mgr J.-M. Émard pour devenir le 1er évêque.

 

Le 9 juin 1892, Mgr Émard était ordonné évêque dans la cathédrale de Valleyfield au milieu de la joie de tout un peuple qui sentait l'Église se faire plus proche de chacun d'eux

 

III - L'homme et son œuvre

Le pasteur et l'organisation du diocèse

Pendant 5 mois Mgr Émard fut fidèle à sa devise : « Video ut faciam ». Il regarda, il prit contact avec les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles de quelques paroisses.

 

L'un de ses premiers gestes fut d'inviter tous ses prêtres à la prière, pour une première retraite sacerdotale qui eut lieu le 14 août 1892. Du dimanche soir au samedi suivant, tous les prêtres se joignirent à une réflexion et à une prière commune.

 

Dès le début Mgr Émard se manifeste comme un homme de prière et de foi. Puis le 2 novembre, il commence à poser les pierres d'assise de son organisation diocésaine. Il divise son diocèse en 3 vicariats, d'une dizaine de paroisses chacun, puis le même jour il organise une officialité. Il nomme comme chancelier M. l'abbé C. Dugas.

 

Dans l'organisation de son diocèse, Mgr Émard était préoccupé de toutes les catégories de personnes et des institutions à mettre sur pied pour l'épanouissement de tous ses fidèles.

 

Il s'intéresse d'abord aux plus faibles, c'est-à-dire aux enfants et aux malades.

 

La naissance du Collège-Séminaire

L'éducation des jeunes fut d'abord la première préoccupation de ce pasteur. Il fonda alors le Collège-Séminaire Saint-Thomas-d'Aquin.

 

On aura remarqué que Mgr Émard dit bien collège-séminaire, car dans sa pensée cette institution s'adressait à tous les jeunes qui voulaient faire des études commerciales ou classiques.

 

Et c'est le 5 septembre 1896 que le collège-séminaire ouvrit ses portes pour offrir aux enfants de tout le diocèse les formations classiques et commerciales, selon leur choix.

 

Déjà existait depuis 1850, le Collège Bourget de Rigaud que l'évêque continuera à encourager et à soutenir. Dès les premiers mois de son arrivée à Valleyfield, il avait d'ailleurs rendu visite à ce Collège, tenu par la Congrégation des Clercs de Saint-Viateur.

 

L'École Normale

Les Sœurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie furent la première communauté à venir à Valleyfield. Elles y arrivaient en 1866, à l'invitation du curé de la paroisse Sainte-Cécile, l'abbé Lasnier.

 

Mais en 1908, à la demande de l'évêque ces religieuses ouvrirent l'école Normale. C'est là que se formèrent les institutrices de nos écoles urbaines et rurales. « L'éducation en notre pays, disait-il, est une œuvre de charité » (Oeuvres I, p. 259).

 

Il est opportun de signaler le grand nombre de lettres adressées aux écoliers par Mgr. Émard lui-même. Il fut aussi un fervent propagateur de l'Association Catholique de la Jeunesse canadienne-française (A.C.J.C.).

 

L'Hôtel-Dieu

Parmi les plus faibles se trouvent les malades. Alors Mgr écrivait : « Pour répondre à un besoin pressant nous avons décidé d'ouvrir pour tous les malades de ce diocèse un hôpital qui portera le nom historique et expressif d'Hôtel Dieu ».

 

Cette œuvre fut confiée aux Sœurs de la Providence qui en firent l'ouverture en 1904. Déjà en 1889, ces religieuses avaient fondé, à l'invitation du curé de la paroisse Sainte-Cécile, l'Hospice Saint-Vincent-de-Paul. C'était la maison des pauvres et des personnes âgées.

 

Les différentes classes sociales

Mgr J.-M. Émard se préoccupa d'abord des plus petits, c'est à dire des enfants, des malades, des personnes âgées, mais pas un groupe social ne fut oublié.

 

Nous n'avons qu'à lire ses lettres d'abord aux familles chrétiennes, aux pères et aux mères de famille, aux ouvriers d'usine et aux travailleurs agricoles. Pour chaque groupe il voulait une meilleure éducation humaine et chrétienne.

 

Dès le 30 mai 1893, il fonda dans ce but, l'Association de la Sainte-Famille. (Oeuvres I, p.61 et 323). Ainsi, il suscita la consécration des familles à la Sainte-Famille de Nazareth. Il développa la dévotion du Sacré-Cœur (Œuvres I, p.281) en rappelant à ses fidèles que Jésus était venu allumer sur terre la flamme de l'amour. (30 mai 1907). Il prêcha la tempérance. Il encouragea aussi la fondation des Cercles agricoles.

 

Homme de prière et d'action, Mgr J.-M Émard a voulu implanter dans son diocèse des communautés dont l'une incarnerait surtout Marie et l'autre Marthe.

 

Les Clarisses

Lors d'un voyage à Lourdes, Mgr Émard s'était rendu au Monastère des Clarisses à Lourdes et avait convaincu l'abbesse de venir fonder un monastère à Valleyfield, et dès le 30 avril 1902, nous arrivaient cinq Clarisses venues de Lourdes.

 

Grâce à elles, écrit Mgr Émard l'organisation spirituelle du diocèse est complétée dans ses grandes lignes. Nous avons au sommet de nos œuvres religieuses, un sanctuaire de la prière organisée. (Oeuvres II, p.115). Nous avons alors parmi nous des âmes d'élite données à la vie contemplative dans la réclusion complète et définitive.

 

Mais ces femmes qui nous rappellent Marie furent d'abord accueillies par Marthe, car elles n'avaient pas encore de maison pour les recevoir. Elles furent reçues chez les Sœurs de la Sainte-Famille, qui travaillaient déjà au Collège-Séminaire. La bienheureuse Mère Marie-Léonie, fondatrice des Sœurs de la Sainte-Famille était venue tout exprès à Valleyfield pour les accueillir. Au mois d'août, les Clarisses eurent leur propre maison.

 

Sœurs de la Sainte-Famille

Dès l'an 1900, Mgr J.-M. Émard avait le privilège de recevoir à l'évêché les Sœurs de la Sainte-Famille qui s'occuperaient des soins domestiques. Elles étaient Marthe qui se préoccupait de recevoir Jésus et ses amis.

 

Mais ces religieuses se dirigèrent presqu'aussitôt vers le Collège-Séminaire où elles prirent encore la responsabilité de cette nouvelle maison. Le travail fait pratiquement gratuitement a permis à un grand nombre de jeunes gens de faire des études.

 

Le chapitre cathédral

Disons enfin que Mgr l'Évêque érigea le 7 avril 1920, le Chapitre canonical. Ce Chapitre canonical avait pour but de rehausser le culte public et d'entourer l'évêque comme d'un sénat, pour l'aider de ses conseils et l'assister dans l'administration du diocèse. (Oeuvres V, p. 241).

 

Les prêtres, les religieux et les religieuses

Si Mgr J.- M. Émard avait d'abord donné son cœur et sa vie aux laïcs du diocèse en mettant sur pied les institutions nécessaires pour les aider à grandir au plan humain et spirituel, il n'a jamais oublié les prêtres, les religieux et les religieuses qui ont été pour lui des collaborateurs fidèles.

 

Lettres et conférences qu'il leur a adressées en témoignent. Il avait une attention particulière pour les étudiants en théologie. Ceux-ci à l'époque enseignaient au Collège-Séminaire et faisaient en même temps leurs études théologiques. Au cours de l'été, Mgr J.-M. Émard allait souvent vivre avec eux dans une maison de campagne au bord du Lac Saint-François, appelée depuis camp des prêtres. C'était alors une vie de prière, de repos et d'échanges fraternels.

 

L'heure du départ

Le 2 juin 1922, lors de son passage à Rome, Mgr J.-M. Émard accepta, à la demande du Pape Pie XI, de devenir l'archevêque d'Ottawa. Et le 20 septembre 1922, il quittait définitivement son diocèse de Valleyfield.

 

Le 12 septembre 1922, il adressait à ses diocésains sa lettre d'adieu, remplie d'émotions et aussi de tristesse. Il avait donné 30 ans de sa vie à ce diocèse et son cœur s'y était attaché.

 

À ses diocésains, il résumait son œuvre en disant « nous nous sommes efforcés de vous prêcher Jésus-Christ, de vous annoncer son Évangile » (Œuvres V, p. 550). « Tout nous a servi pour vous parler cœur à cœur. Et nous n'oublierons jamais le charme et l'entrain de nos réceptions lors de la visite des paroisses ».

 

Mgr J.-M. Émard est décédé à Ottawa le 28 mars 1927, à l'âge de 74 ans.

 

Durant la guerre 1914-18, il avait été nommé par Rome évêque de l'Armée canadienne. En 1920, il avait été élu membre de la Société Royale du Canada. Il était également membre de la Société Historique de Montréal.

 

Mgr J.-M. Émard était un orateur remarquable. Il prononça sermons et conférences en plusieurs endroits au pays et à l'étranger. Il a écrit plusieurs volumes.

 

Le diocèse de Valleyfield lui doit les bases de son organisation et l'élan apostolique qu'il lui a insufflé.

 

Hozaël Aganier, P.H.

Tiré de Témoins d'une Église, 1991