2021-B-Mc 2, 13-17- samedi 1ière semaine ORDINAIRE-sommes-nous des rudologues ?
Année B : samedi de la 1re semaine du temps ordinaire (litbo01s.21)
Mc 2, 13-17 ; He 4, 12-16 : sommes-nous des rudologues ?
Vous connaissez la science de la rudologie ? C’est la science qui étudie les déchets, qui se penche sur tout ce que nous rejetons. Ceux qui pratiquent cette science sont des rudologues.
En ouvrant son évangile, Marc nous présente un Jésus expert en rudologie. Il est le meilleur des rudologues de l’histoire. La pierre de fondation qu’il choisit pour bâtir son projet de transformation de la société est une pierre rejetée. Des visages rejetés. Ce ne sont pas seulement la nourriture ou les biens superflus qui sont objet de déchet, mais souvent les êtres humains eux-mêmes (Pape François, Fratelli tutti, no 19).
Nous sommes tous et toutes des anti-rudologues quand nous mettons de côté des gens qui nous sont antipathiques; quand nous prenons plus soin de nous-mêmes et refusons de constituer un «nous» qui habite une maison commune (no 17); quand tout se réduit à nous, que seuls comptent nos intérêts individuels (no 19); quand nous favorisons une culture de murs, élevons des murs, des murs dans le cœur, des murs érigés[…] pour éviter cette rencontre avec d’autres cultures, avec d’autres personnes (no 27) .
Rudologue Jésus. Songeons aux paraboles des vignerons homicides qui forcent Jésus à remettre sa vigne entre des mains non expertes ; à celle du lévite, une personne importante dans la société, mais qui n’avait pas de temps à disposer pour le blessé sur sa route. Dans la vie, il est tellement plus simple de jeter, de laisser tomber une relation qui ne porte pas de fruits, plutôt que de persévérer, avec douceur et patience ! Oui, les bâtisseurs que nous sommes rejettent tant des pierres, pourtant bien vivantes.
Rudologue Jésus. L’un des premiers à accompagner Jésus a été l’un des plus détestés de la société de l’époque. Jésus ne regarde pas avec les yeux. Il regarde avec le cœur. Il fonde son projet d’humanité sur des pierres rejetées. Lévi, qui prendra le nom de Matthieu (Mt 9, 9), a soulevé beaucoup de questions sur la capacité de jugement de Jésus. Ce choix n’était pas un bon augure pour qui voulait transformer la société.
En se retrouvant assis à une table où beaucoup de collecteurs d’impôt (cf. Lc 2, 15) se trouvent, Jésus met de l’huile sur le feu. Il s’attire de vives oppositions des élus du peuple, scribes et pharisiens inclus (cf. Mc 2, 15-17) 3-13). Le peuple attendait quelqu’un, un Messie, qui justement allait les «sauver» de ces voraces qui exigent beaucoup plus que leur simple dû (cf. 3, 13).
Ce geste de Jésus, si mal vu par les élus du peuple, dégage une bouffée d’air frais qui respire de la bonne odeur d’un Nouveau Monde. Son geste de s’asseoir avec des gens de mauvaises réputations s’apparente à un discours du trône inaugurant le commencement d’une nouvelle ère, d’un projet de société qui redonne de la dignité à chacun, où tous seront des égaux, où il n’y aura plus ni rivalité, ni division, ni classe sociale. Jésus favorise le dialogue plutôt que la construction d’une tour de Babel.
Ce que le peuple ne saisit pas et que Jésus a tellement compris qu’il en fait la pierre de fondation de son projet de société, de son discours du trône, c’est que chaque personne et surtout ceux qui souffrent de mener une vie malheureuse ont besoin d’un regard compatissant. Personne avant Jésus n’avait perçu cela. Jésus s’assoit à toutes les tables pour que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude (Ep 4, 12-13).
Jésus refuse de lorgner sur ce qui est déchet. Tout ce qui est bon, prenez-le d’abord en compte (cf. Ph 4, 8).
En conclusion de son encyclique sur la fraternité (no 238, 239), le pape écrit que Jésus n’a jamais fomenté la violence ou l’intolérance : vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il n’en doit pas être ainsi parmi vous (Mt 20, 25-26); il invitait à n’outrager personne, [à] éviter les disputes, [à] se montrer bienveillant, [à] témoigner à tous les hommes une parfaite douceur. Car, nous aussi, nous étions naguère des insensés (Tt 3, 2-3).
À votre contemplation : si cette musique de l’Évangile qui promeut la rudologie cesse de vibrer dans nos entrailles, nous cesserons de lutter pour la promotion de chaque personne humaine. Nous perdons la joie d’avoir été choisies pour donner de la dignité à ceux qui n’en ont pas. Question : où en suis-je dans mon expertise en rudologie ? Plus nous progressions dans cette science de rejetés, plus nous devenons des pierres de fondation de l’évangélisation. AMEN.
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