2018-C-Mt 17,10-13 -samedi 2e semaine AVENT- débloquer l'avenir
Année C : samedi de la 2e semaine de l’avent (litca02s.18)
Mt 17,10-13 : débloquons l’avenir (Élie)
Les exégètes le reconnaissent. Il y a plusieurs allusions de Jésus et du prophète Élie dans les évangiles. Luc fait plusieurs références à Élie. Quand est-il au juste ? Que veulent signifier les auteurs évangéliques avec ces allusions ? La question est de savoir si Jésus est identifié ou comparé à Élie. Jésus est-il le nouvel Élie ou seulement une figure actualisée d’Élie?[1]
Ma réflexion, ce matin, n’est ni exégétique, ni théologique. Elle est très terre-à-terre. Élie, personnalité forte, a connu un itinéraire de rejet. Jésus, personnalité énigmatique, a connu le même chemin. Élie fut rejeté dans son pays. Jésus ne fut pas accepté. Aucun prophète ne peut prophétiser chez lui. Élie trouve son travail de prophète déprimant, trop dur, allant jusqu’à fuir l’hostilité de la reine Jézabel qui propage le culte de Baal et le poursuit et le persécute. Jésus prend avec courage la route de Jérusalem.
Élie demande la mort, reprends mon souffle (1 R 19, 4), parce que le combat contre les forces du mal l’épuise. Jésus demande de voir le calice s’éloigner de lui. Élie, qui surgit comme un feu [et dont] la parole brûlait comme une torche (Si 48,1), est une figure importante, centrale de l'histoire d'Israël. Il a une parole qui accomplit ce qu’elle dit. Jésus est aussi un personnage central dont la parole accomplit aussi ce qu’elle dit. [Autant Élie que Jésus connaissent un chemin rempli d’embûches et de menaces de mort.
Annoncer un nouveau commencement ne sera jamais facile. Ce n’est pas une mission impossible non plus. Chaque nouveau commencement que ce soit pour le prophète, pour Jésus ou pour quelqu’un d’autre engage à une victoire possible ou à un échec retentissant. À Élie, on demande: lève-toi et mange, car il est long le chemin qui te reste (1 R 19, 7). Le chemin qui conduit à la transformation d’une vie est long et difficile. Il refuse de diluer son message, de négocier sa nouveauté.
À Jésus, le Père demande de ne pas déserter le monde, d’être dans le monde un libérateur. Comment ? En n’étant pas avide de pouvoir, d’autorité, de richesse, de gloire, en n’étouffant pas le peuple sous le poids d’une écrasante loi, en renonçant aux sécurités et ambitions égoïstes pour mieux faire éclater la nouveauté de son royaume. Bref, le Père demande à son fils de débloquer l’avenir en ne portant aucun signe distinctif et en faisant alliance avec le peuple du dehors plutôt qu’avec les habitués des temples.
Autant Élie que Jésus ont débloqué l’avenir en n’étant pas préoccupé sur eux-mêmes, en pensant aux autres (Ph 2, 4). Ils refusèrent la logique de l’auto-préservation et de l’autoréférentialité. La lettre des pères synodaux demandait aux jeunes que nos faiblesses ne vous découragent pas […].vous êtes notre présent, illuminez maintenant notre avenir. N’escamotons pas ce message d’illuminer l’avenir. N’adoucissons pas l’appel à préparer l’arrivée de quelque chose de neuf dans un monde replié sur les biens matériels, sur le succès immédiat, sur le plaisir [et qui], broie les plus faibles. Ce qui est neuf, ce qui sera toujours neuf, c’est de maintenir alerte l’alliance avec ce monde. De débloquer, d’actualiser cette alliance entre nous, entre les cultures, les peuples. Voilà ce qui fait Noël. Un appel à illuminer l’avenir.
Un chant nous le rappelle : Dieu est venu marcher sur nos routes. Jésus s’est levé parmi nous, il a visité son peuple. C’est en faisant alliance avec nous, en marchant à nos côtés que Jésus a débloqué un nouvel ordre du monde, celui qu’Élie, avec tremblement, Isaïe et Jean-Baptiste entrevoyaient.
Ce temps nous fait rêver ensemble d’une terre où l’humanité connaîtra la paix et l’amour, où le feu de l’Amour aura le dernier mot. Non, le christianisme n’a pas encore fait son temps même s’il a des allures vieillottes. Même si les médias se moquent des croyants à la tête blanche, l’Avent nous dit que Dieu ne se retire pas de notre monde. Posons-nous la question : avons-nous une parole de feu qui débloque l’avenir ou une parole qui endort au lieu d’illuminer l’avenir, de le tenir en éveil ?
À votre contemplation ces paroles de Teilhard de Chardin : le feu a pénétré la terre. Il n’est pas tombé bruyamment sur les cimes, comme la foudre en son éclat. Sans secousse, sans tonnerre, la flamme a tout illuminé par le dedans. Dans la nouvelle humanité qui s’engendre, le Verbe a prolongé l’acte sans fin de sa naissance. Le monde a besoin de notre enthousiasme. Faisons-nous le compagnon de tous les chercheurs d’espérance. AMEN.