2023-A-Mc 12, 38-44- samedi de la 9e semaine ORDINAIRE- des « petits sacrements »
Année A : samedi 9e semaine du temps ordinaire (litao09s.23)
Mc 12, 38-44 : des petits « sacrements » .
Ce regard de Jésus sur un geste passé inaperçu, celui de verser dans le tronc une offrande pris sur son indigence, est révolutionnaire. Son regard ouvre sur quelque chose de beaucoup plus profond, qui échappe à toute mesure (cf. EG # 27). Cette veuve ne se demande pas si son geste va faire du bruit, s’il va enrichir les riches. Elle ne recherche pas la louange, ne désire pas que sa main gauche sache ce que fait sa main droite (cf. Mt 6,3). Elle pose un geste « petit sacrement ». Elle choisit ce qui ne passera jamais, la charité qui nous fait être.
En ouvrant ses yeux, en élargissant son regard, la veuve perçoit que d’autres ont besoin de son petit geste anodin aux yeux des « chercheurs » de grands gestes. Ce qui émerveille Jésus, c’est d’y voir à quel point pour la veuve la vie des autres est aussi précieuse que la sienne. Jésus choisit un petit geste tout simple pour guérir les regards qui ne voient que de gros gestes. Vous verrez des choses plus grandes encore (cf. Jn 14, 12). Pour Jésus, personne n’est trop pauvre pour n’avoir rien à partager. François Xavier dit que s’il n'y a rien à faire, je peux faire quelque chose, quand quelque chose manque, je peux faire quelque chose. Faire des petites choses, c’est prendre le chemin de Jésus.
Le plus grand danger pour le monde (et pour les chrétiens), écrit le pape en ouverture de son exhortation, la joie de l’évangile, est le danger de perdre la révolution de la tendresse (cf. EG # 88). Jésus veut que nous touchions la misère humaine, que nous touchions la chair souffrante des autres (cf. EG # 270).
Au lieu de déplorer la démesure des besoins, de porter un regard défaitiste sur notre réalité, de se demander à quoi bon agir, le regard de Jésus interpelle sur ce que nous pouvons faire (cf. Ac 2, 37). D’abord remarquer tous ces petits gestes de gens ordinaires qui refusent de baisser les bras et qui pratiquent le chemin par excellence (cf. 1 Cor, 12, 31) de l’entraide. Tout faire pour apporter sa contribution à une situation démesurée n’est pas nécessairement faire beaucoup. C’est mettre notre prière au travail[1].
Nous voulons vérifier si nous agissons en chrétiens, demandons-nous si nous voyons tous ces petits gestes posés par des gens souvent dans l’indigence qui s’empressent d’aider les plus mal pris que nous ? Voyons-nous tous ces petits gestes sacrements comme donner un verre d’eau, comme saluer un vagabond de nos rues. Saint Paul conclut son éloge de la charité en affirmant que ces petits gestes sacrements dépassent la foi et l’espérance. Ils couvrent tout. Ils expriment la contagion de l’amour. Ils se nomment Évangile de Jésus-Christ en acte. Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde (Mt 25, 34).
Le site retraite dans la ville[2] présentait, durant le carême, la vie des Petites Sœurs de l’Agneau, comme messagères de l’Évangile en étant petites, pauvres, mendiantes. Chaque jour, elles frappent aux portes pour demander, pouvez-vous partager avec nous quelque chose à manger pour le déjeuner ? Des portes se ferment. D’autres s’ouvrent.
Frappant à une porte d’une grande maison moderne, un homme l’entrebâille. Entrez ! Mais je vous préviens, je suis un athée convaincu ! Si Dieu existe, ce doit être moi ! Au fil de leur conversation, l’épouse décontenancée leur demande : bon, le bonheur que vous avez, comment se fait-il que moi je ne l’aie pas ? Réponse : nous sommes venus vous dire que ce bonheur est pour vous. S’ensuit une longue conversation où le couple raconte, comme les disciples d’Emmaüs, leur histoire, leurs échecs, leurs déceptions. Lentement, leurs yeux brillent comme s’ils portent le témoignage de quelqu'un d'autre en eux.
À une autre porte, un homme vivant seul depuis des années les accueille. Je vis seul, j’aime cuisiner et aujourd’hui, c’est providentiel, j’ai cuisiné pour quatre. Incroyant, il a décidé il y a six mois d’arrêter son travail pour se mettre en quête du vrai sens de la vie. L’échange permet à l’homme de trouver un sens à sa vie.
À une autre porte, un grand jeune homme tatoué ouvre sa porte. Il ne peut contenir sa joie. Vous voulez manger ? Chez nous ? Mais oui, bien sûr, entrez, installez-vous, mes sœurs ! Et la conversation s’ouvre sur la joie d’être accepté comme il est, sans être jugé sur son apparence.
Et nous, quels sont nos petits gestes sacrements qui ressuscitent autour de nous jusqu’à conduire à Jésus ? AMEN.
[1] To the Participants in the general meeting of the Unión Mundial de las Organizaciones Femeninas Católicas (UMOFC) (13 May 2023) | Francis (vatican.va)
[2] https://careme.retraitedanslaville.org/meditation/681 (voir aussi 682,683,684,685)