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2018-B-Lc 11, 29-32 - mercredi 1e semaine carême - Jonas ou avoir le goût des autres

Année B : mercredi de la 1re semaine du carême (litbc01me.18)

Lc 11, 29-32 : Jonas ou avoir le goût des autres

Jonas se met en route pour fuir à Tarsis (Jonas 1, 2). Ainsi débute le livre de Jonas. Fuir. De toute évidence, Jonas a peur de cette grande ville. S’y aventurer signifie un échec certain: cette ville est peu hospitalière et elle reconnue comme une cité interdite aux intrus venus d’ailleurs. Elle n’a pas bonne réputation. Ninive est une terre si rebelle que les politiciens de l’époque n’ont pas réussi à mettre la main dessus. 

Fuir. Jonas a aussi peur de Dieu qui lui reprochera son échec appréhendé. Sa rencontre personnelle avec Dieu, décrite sous l’image de la baleine, a changé sa fuite en audace. Jonas passe de la peur à l’audace. Il expérimente un Dieu qui le sort de sa peur et de son enfermement. Durant son séjour inconfortable dans la baleine, Jonas descend jusqu’au plus profond de ses peurs. Il touche les ténèbres qui le paralysent. Il en sort plein de vie, capable d’accoster avec confiance sur une terre hostile. Sa descente dans ses enfers, dans son tombeau infernal, est le chemin pour le sortir du mutisme, de sa peur incontrôlable des Ninivites. 

Jonas n’a pas de temps à perdre. Une très grande ville qu'il faut traverser en si peu de temps. Quarante jours, dit le texte. Il n’a pas le temps de faire de long discours, d’élaborer son message. Il court et crie. Mais que crie-t-il pour extirper les habitants de cette ville de leur marasme moral ? Réponse : Jonas appelle les gens à avoir le goût des autres. 

Son discours à travers les rues, ne consiste pas à faire du racolage, de rapiéçage. Pour l’exprimer dans des mots d’aujourd’hui, Jonas invite à passer du règne de l’intérêt personnel à la reconnaissance de l’intérêt général (Satish Kumar). C’est le sens du mot convertir.

À des gens qui ne cherchent que leur bien-être matériel et leur confort, Jonas propose un autre chemin, celui de  «reciviliser» l’humain qui n’a pas bonne presse à Ninive. Son message n’est pas compliqué : s’ouvrir aux autres, bâtir une ville fondée sur la non-rivalité. Bref, il clame qu’être, c’est co-être (Satish Kumar).  Ce message a plu au roi qui descend de son piédestal et qui crie à son tour à son peuple de changer son style de vie.

Le signe dont parle Jésus dans l’évangile est justement celui de vivre ensemble dans une maison commune. Un vivre-ensemble qui appelle à un faire-ensemble. Ne pas voir ce signe, c’est devenir cette génération mauvaise dont parle Luc. Mauvaise, parce qu'elle n'est pas non ouverte aux autres.  Mauvaise, parce que la boussole du soi s’affole dans toutes les directions. Mauvaise, parce que cette génération refuse de faire advenir une complète humanité (Abraham Maslow).

À bien entendre le message que proclame Jonas, la surprise serait de ne pas y voir que dans sa personne, Jésus est ce message. Il est signe fait chair qui ne dit qu’une chose toute simple : une vie pleine, épanouie s’ouvre sur une posture d’écoute, de compassion, toute tournée vers l’autre qu’il appelle son royaume.

Durant ce carême, avons-nous cette audace de nous convertir à l’existence de l’autre ?  D’être pour et non contre les autres ? Après les attentats de Paris en 2015, l’auteur musulman Abdennour Bidar[1] dans son Plaidoyer pour la fraternité, appelle à réapprendre à lutter pour, et pas seulement à lutter contre. Aujourd’hui, toutes nos réactions sont contre. Contre les discriminations, le racisme, les migrants, les inégalités. Rarement, nous songeons à lutter pour l’harmonie, la concorde, etc.

Quel carême serait le nôtre si nous étions, selon la célèbre et connue citation de Gandhi, le changement que l’on veut voir dans les autres ?  C'est exactement cela la conversion. C’est exactement cela l’évangélisation. Donne-nous, Seigneur, un esprit nouveau, un cœur nouveau. AMEN.

[1] Bidar,  Abdennour,  Plaidoyer pour la fraternité,  Éd.  Albin Michel, 2015, p. 21

 

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Date: 
Jeudi, 1 février, 2018

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