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LE SERVICE PAR EN BAS

CAUSERIE : «LE SALUT PAR EN BAS»

INTRODUCTION : SERVIR UNE MISSION

Tout ce que Jésus a enseigné, tout ce qu’Il a accompli, se trouve concentré, résumé dans la scène du lavement des pieds (Jn 13, 1-20). «Scandale du service» (Jean Vanier), «langage de la croix» (Père Bianchi, chrétien qui es-tu ? 2005), qui inaugure «le service de la charité» (Benoît XVI, encyclique # 19).  Sur la route du martyr, Ignace d’Antioche écrivait aux chrétiens de Rome : «C’est maintenant que je deviens disciple». Jésus nous en parle - et c’est le seul endroit dans tout l’évangile incluant les synoptiques- comme d’un «exemple» :  «C’est un exemple que je vous donne pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous»  (Jn 13,15). Avec clarté, à la veille de sa mort, comme testament, Jésus se propose en «exemple».

Cette scène du lavement des pieds est bien plus qu’un «exemple», bien plus qu’un épisode du déroulement de sa vie. Plus qu’une ultime recommandation donnée à ses disciples, plus qu’une parabole du service à nous rendre. Ce geste est plus «parlant» que toutes les paroles de Jésus. Il inaugure une mentalité nouvelle, une culture nouvelle.

Le lavement des pieds nous fait voir que Dieu, dans son être profond, ne se possède plus tant il est «possédé» par le plus bas.   Il est une fenêtre sur l’identité de Dieu, sur ce qu’il est, sur ce qu’il va révéler le lendemain sur la croix. Il nous invite à retourner aux racines du mystère de Dieu. C’est une «image» en acte de Dieu. Il nous en donne la plus belle définition. Notre Dieu, Maître et Seigneur, créateur et «premier-né de toute créature» est le «très bas». Dans une catéchèse primitive, Maxime le Confesseur affirmait que ce geste était le seul qui puisse briser l’orgueil de l’homme : «L’homme ne cède que sous le poids de la kénose extrême de Dieu».  Cet «en bas» dépasse toutes les situations de malheur mises ensemble. Cet «en bas», c’est le fond du fond, écrit Maurice Bellet (La traversée par en bas, Bayard, 2005 p. 161).

Charles de Foucauld a tellement compris cela qu’il répétait que Jésus a tellement pris la dernière place que nul ne pourra lui ravir. Dans le langage de Dieu, «être le plus bas», c’est cela servir.  «Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort» (1 Cor1,25). Paul ajoute «voilà le mystère de Dieu»  (1 Cor 2,1).

En se levant de table, en «déposant» (Jn13, 4)  son vêtement, Jésus met de côté toute distance entre lui et nous. En le «reprenant» (Jn13, 12), Jésus confirme qu’il agit en Maître et Seigneur.  «L’agenouillement de Jésus au lavement des pieds ne déroge pas à la grandeur divine, mais la révèle au contraire» (Maurice Zundel). «Déposer son vêtement», le «reprendre»,  «le bon pasteur dit Jésus, dépose sa vie…il la reprend» (Jn 10, 11, 15, 17).

Dieu est SERVICE.  Il n’est tellement QUE service qu’il tombe en EXTASE devant l’humain. L’extase est l’autre nom du service. Il exige l’oubli de soi. C’est l’autre nom de l’Amour. En lavant les pieds de ses disciples, Jésus montre toute sa grandeur : Il n’est que service, qu’abaissement, qu’enfouissement. Il n’est qu’extase tant il trouve caché en nous son «image». Je le répète, ce geste est plus qu’un ″exemple″. Il nous révèle son mystère.

Luc, qui présente une version différente, rapporte qu’après le dernier repas, les disciples se sont disputés pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand. Jésus tranche la discussion en leur disant : «Je suis au milieu de vous comme celui qui sert» (Lc 22.27). Celui qui préfère la dernière place. Tellement la dernière qu’Il valait à peine 30 deniers. 

A la veille de sa Passion, Jésus s’est agenouillé devant Judas qui allait sortir pour le vendre, devant Pierre qui le trahira dans quelques heures, devant Jacques, Jean qui s’endormiront et ne pourront veiller une heure avec lui au jardin des Oliviers, devant les autres apôtres qui vont fuir, morts de peur, quand il aura été livré et qu’il apparaîtra comme un condamné voué au ridicule. Ce geste dit Dieu. Il inaugure «l’heure» du service.  «C’est pour cette heure que je suis venu».  Il inaugure l’heure du «service de la charité» pour citer Benoît XVI (encyclique sur l’amour # 19). Léon XIII, dans son encyclique Rerum Novarum, affirme que «la simple amitié, c’est encore peu mais que c’est dans le service (le texte dit «amour») que s’opérera l’union».

Nous sommes loin de cette image d'un Dieu Tout Puissant qui ferait subir ses moindres volontés à des créatures soumises et impuissantes.  Nous sommes dans un «autre monde», une autre culture que la nôtre où tout est fait pour être admiré, remarqué, être servi.  Jésus inaugure la culture régnant dans le Royaume de Dieu.

Geste d’ «abaissement» pour Jésus est un geste qui «élève» les disciples, qui leur rend toute leur dignité. En s'agenouillant aux pieds de ses disciples, Jésus révèle non seulement le coeur de sa mission, le coeur de Dieu Lui-même, mais notre dignité. À la veille de sa mort Jésus, qui avait pourtant tout ramassé son enseignement dans les béatitudes sur la Montagne (Mtt 5, 3-12 ; Luc 6, 20-26), en ajoute une autre : «sachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites» (Jn 13,17).

En nous proposant de L'imiter,  Jésus nous dit ce que nous valons pour Lui. Nous sommes dignes d’être son «image». Il nous exprime avec clarté que ce geste sera désormais le signe de tout disciple. Signe de communion avec chaque être humain. Jésus nous dit ainsi qu’il veut abattre tous les murs de discorde, tout préjudice. Désormais il n’y a plus d’élite ni de supérieur, ni juif, ni grec, ni noir, ni blanc, ni épuration ethnique, ni Rwanda, ni Bosnie, ni guerre de religion, ni ″au-dessus″, ni ″au-dessous″. Il n’y a que des humains. Il veut ainsi nous faire comprendre, à travers chacune des fibres de notre être, ce qu'est être humain, ce qu’est être disciple. Avouons que sur ce chemin, nous trouvons de multiples raisons pour nous éviter de nous abaisser.

À la veille de sa Passion, Jésus a exprimé dans deux gestes indissociables, non seulement ce qu’Il était, mais ce qu’Il attendait de ses disciples. «Je vous ai donné l’exemple pour que vous fassiez ce que je vous ai fait, car le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’a envoyé» (Jn13, 15-16), «Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir» (Mtt. 20, 28). C’est le lavement des pieds, signe du service. «Faites cela en mémoire de moi», c’est l’eucharistie,  signe du sacrifice de nos vies.

Ce qu’il faut observer - et ce n’est pas anodin du tout – ces deux gestes ont été posés par Jésus lui-même «la veille de sa Passion». Ils ont été posés dans une même célébration, à l’intérieur d’un même repas, comme pour nous indiquer leur inséparabilité, leur indissociabilité. Ils sont donc à considérer comme des gestes «inséparables» tant l’un ne va pas sans l’autre. L’un appelé «le salut par en bas»  et l’autre « le salut par en haut».  Au lieu de nous faire un ″sermon″, Jésus nous a montré lui-même quoi faire pour continuer son œuvre. Une année entière et un synode viennent de se terminer pour réfléchir comme Église du «salut par en haut». On se prépare au congrès eucharistique de 2008.

Qu’en est-il du «salut par en bas» ? Nous sommes choisis pour pratiquer aussi «le salut par en bas», le sacerdoce «par en bas».  Marie de la Trinité entendait Jésus lui redire l’importance d’une vie «offrande» plutôt qu’une vie «offerte». Une vie offrande rejoint notre être profond tandis qu’une vie «offerte» rejoint la dimension matérielle. Offrir du pain est autre chose qu’«être pain».

Nous sommes choisis pour aller à la rencontre de l’autre dans ce qu’il a de plus bas. Aller à la rencontre de l’autre dans sa ″bassesse″ qu’elle soit morale, physique, spirituelle. Ce qui est le plus bas, - les pieds – c’est notre rapport avec la terre, nos origines. Nous sommes des terriens, créatures issues de rien.  Aller à la rencontre de notre poids d’être mais aussi de ce qui est le plus bas dans l’autre.  Se laisser rencontrer par l’autre.  Se laisser rencontrer par Dieu dans l’autre.

Nous agenouiller devant l’autre, c’est nous agenouiller devant Dieu. En régime chrétien, l’autre est le représentant de Dieu. Souvenons-nous de ce jugement dernier dont Matthieu (chap. 25) décrit avec tant d’emphase : «Ce que vous lui avez fait, c’est à moi que vous le faites».  Il faut apprendre à entendre Dieu dans l’autre.  Il faut nous entendre avec Dieu, Dieu étant l’autre.

LE SERVICE PAR EN BAS

Nous insistons beaucoup sur l’importance de l’eucharistie. Elle est sommet de notre vie chrétienne. Mais ce sommet est inséparable d’un autre sommet : celui de nous faire plus bas que le plus bas en sachant bien que Charles de Foucauld disait qu’il est impossible d’aller plus bas que Jésus.  Impossible de lui ravir la dernière place.

La veille de sa Passion, Jésus nous a légué «le salut par en bas» à établir entre nous, «mutuellement». «Revêtir les sentiments du Christ» (Ph 2, 2), rivaliser entre nous de cette recherche du plus bas à l’exemple du Christ – Saint Paul dit «rivaliser d’humilité les uns les autres à l’exemple du Christ Jésus» (Eph 4,2) - voilà qui fait partie intégrale du testament de Jésus. Ma question : ne serions-nous pas en présence d’un déséquilibre qui devrait nous attrister ?

Au moment où ce testament, ce geste fut posé, il a suscité de vives oppositions tant il n’était pas évident d’agir ainsi. Pierre n’a pas compris : «tu ne me laveras pas les pieds».  «Tu ne t’abaisseras pas vers moi».  Jésus fait de ce geste une condition pour «avoir part avec lui» (Jn18, 8). Pour avoir part à sa Table, la condition est de laisser Jésus s’agenouiller devant nous.  Très fort comme sens ! Pour avoir part à son eucharistie, il y a comme un pré requis : le service du frère le «plus bas», le plus vil. 

Ce geste est un «mystère» qui ne se comprend que par l’arrivée de l’Esprit Saint. «Plus tard, tu comprendras» dit Jésus.  

Dans le texte final du Synode sur l’Eucharistie, nous y lisons : «notre service (charité) mutuel n’est pas seulement une imitation du Seigneur, il est une preuve vivante de sa présence agissante en nous» (n.20). La déclaration ajoute que «le témoignage eucharistique à la suite du Christ est un cri d’amour dans la nuit du monde, un écho du Magnificat et du Stabat Mater».

Par le lavement des pieds, Jésus veut nous entraîner à sa suite jusqu’au bout du service. Par l’eucharistie, il nous conduit jusqu’au bout d’une vie offrande de nous-mêmes.

Devant l’importance que cet exemple «jusqu’au bout du service du plus bas», avons-nous, comme Église, abandonné ce qui est le plus parlant dans ce geste ?   Quels gestes aussi parlants″ avons-nous aujourd’hui pour montrer toute la profondeur du lavement des pieds ?  Ce geste était tellement important que des Pères de l’Église s’interrogeaient à savoir s’il n’était pas aussi un sacrement légué par Jésus.

« Si je vous ai lavé les pieds, vous devez vous aussi….

Comme je vous ai aimés, vous devez vous aussi…. »  (Jn13, 13 et 34)

Ce qu’il faut observer aussi et c’est non négligeable, c’est que Jésus, par ce geste, fait sien le geste que des femmes à la réputation douteuse (Lc 7, 36-50) avaient posé à son endroit.

CE GESTE A INAUGURÉ UNE MENTALITÉ NOUVELLE

Ce geste est un geste inaugural d’une mentalité nouvelle. «Qui est le plus grand dans le Royaume et Jésus appela à lui un enfant» (Mtt 18, 1-3).  «Que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune et celui qui gouverne comme celui qui sert» (Lc 22, 25).  Aucune culture ne promeut une telle attitude. Nous avons la culture d’aider «par en haut», le «plus bas». Jésus promeut la culture de nous faire «plus bas» pour élever l’autre. Il fait, je le redis, de cette culture une nouvelle béatitude. «Sachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites» (Jn13, 17). C’est ce critère d’embarras qui fait dire aux exégètes l’authenticité de cette scène.

Nouvelle culture qui fait que ceux et celles qui l’adoptent deviennent une «créature nouvelle» (Ep4, 24).  «Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements et vous avez revêtu le nouveau, celui qui s’achemine vers la vraie connaissance en se renouvelant à l’image de son créateur» (Col 3 9-10). 

«Ne nous faisons pas d’illusion, c’est dans le service mutuel et, en particulier, à la sollicitude que nous manifesterons à ceux qui sont dans le besoin que nous serons reconnus comme de véritables disciples du Christ» (Jn13, 35) (document final sur le synode). «Le service par en bas est le critère qui prouvera l’authenticité de nos célébrations eucharistiques» (Jean-Paul  II, encyclique sur l’eucharistie # 28). 

La première communauté chrétienne a tellement compris ce puissant signe du «plus bas» qu’il en a inspiré son attitude et son comportement. Dans le milieu où elle vivait, les premiers chrétiens ont préféré, pour être crédibles, de moins parler de Jésus (si je n’avais pas cette crainte d’être mal interprété, je dirais de moins célébrer)  mais de Le montrer en vivant «d’un seul cœur et d’une seule âme».  Leur manière de vivre  dans l’entraide mutuelle a été le plus puissant langage catéchétique des premiers siècles de la foi chrétienne. C’est à ce signe qu’on reconnaissait les chrétiens.

Nos paroles risquent d’être du ″déjà entendues″. Nos gestes ne seront jamais du ″déjà vus″. Préexiste à la communion eucharistique, la «communion matérielle» (Benoît XVI # 20, encyclique que l’amour). «Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun» (Ac 2, 44-45).

La manière de vivre entre nous demeure le plus puissant langage pour dire Jésus. Pour être crédibles, nous devons accepter de n’avoir plus rien à dire – tout a été dit – sinon de dire en acte que nous sommes «communauté», tous fils et filles du Père. Tout le reste est absolument secondaire. Si, comme chrétiens, nous ne sommes pas au cœur de cette révolution fraternelle, à quoi pouvons-nous être utiles ? Comme au premier jour de l’évangélisation, il s’agit de montrer aux yeux du monde que nous sommes fils et filles du Père, que nous sommes marqués par son Esprit, choisis pour marcher en communion les uns les autres. Non les uns sans les autres, non les uns contre les autres. Le statut de serviteur est attaché à ce que nous sommes, à nos personnes, et non à ce que nous faisons. Le vrai serviteur voit sa renommée s’accroître quand s’accroît en lui l’effacement, quand sa visibilité fait place à des fruits juteux.  À la saison des vendanges, nous ne voyons plus l’arbre mais les fruits.

Ce ne sont pas d’abord des individus, des apôtres mais bien la première communauté chrétienne qui, en mettant tout en commun, contribua le mieux à faire connaître le geste ″exemple″ de Jésus. Cette communauté-là montrait aux yeux du monde païen une manière de vivre en harmonie avec le testament de Jésus. Dans sa manière d’être, elle ressemblait à Jésus. Elle montrait qu’elle n’était qu’ extase″ pour l’autre. L’extase, disent les spirituels est «affaire de service». Je disais ce matin que le mystère de Dieu est d’être en «extase», en état de service de l’Autre. Elle (la 1re communauté chrétienne) était tombée en amour avec l’autre et fut habitée par un désir mutuel d’entraide.

Au sein de cette communauté, le fameux «mutuellement» qui se trouve autant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, était devenu un ″must″, une loi tellement importante que ne pas la partager signifiait s’exclure et être exclu du groupe des premiers chrétiens. Pour eux, agir sans tenir compte de l’existence de l’autre ou sans les autres, était une contre-indication à la pratique de la foi en Jésus.

Pour la première communauté chrétienne, le message de Jésus, l’arrivée d’une terre nouvelle se manifestait chaque fois que des hommes et des femmes préféraient être en état de service mutuel plutôt qu’en état de recherche de ses propres intérêts, de son confort ou tranquillité. Pour cette communauté, fondée sur les enseignements des apôtres, annoncer Jésus, le faire connaître devenait réalité chaque fois que leurs mains s’ouvraient à ceux et celles dans le besoin. 

Pour elle, ne pas entretenir de disparité sociale dirions-nous aujourd’hui, était le signe des chrétiens. Ce nom fut donné aux Corinthiens parce qu’ils avaient une façon étrange de vivre ensemble. Ils vivaient en harmonie, avec équité en ne gardant rien pour eux. Pour eux, Jésus n’avait pas dit «voyez comme ils sont riches» mais bien «voyez comment ils se servent mutuellement».  Ignace d’Antioche écrivait dans sa lettre aux Éphésiens qu’il «est bien d’enseigner si l’on fait ce que l’on dit». Pour lui, cela est préférable que «de parler et n’être pas» (lecture lundi 2e semaine ordinaire).

VERS UNE NOUVELLE PRAXIS DU SERVICE 

Il est urgent aujourd’hui d’incarner fidèlement l’Évangile pour la transmettre d’une manière enracinée et fondée sur la personne de Jésus et l’exemple qu’il nous a donné.  Le service nous place dans un état de ″marginalité ″, être «plus bas». Ne pas nous sentir meilleurs que les autres ; c’est déjà merveilleux. Mais ce dont je parle est plus exigeant : «plus bas».  Jésus s’est agenouillé devant des pécheurs : Judas, Pierre, Jacques, Jean.

Nous sommes les gardiens de la beauté du «service par en bas». Notre milieu a besoin de formes de présence qui illustrent l’Évangile en devenant mémoire vivante d’un mode d’action dont Jésus nous a donné l’exemple. C’est le meilleur mode d’évangélisation. Laisser voir l’urgence de faire exister l’autre, de faire voir à l’autre toute sa beauté.

Dans une société où l’esclavage du consumérisme, le culte de l’écrasement de l’autre, la soif des entreprises semblent ne plus avoir de limite, (Rowland Wade, (dans la soif des entreprises, Ed Hurtibise 2006 336p) affirme que «l’homme naît bon mais le capitalisme d’entreprise le corrompt»), nous avons mandat de laisser voir une autre culture, celle d’être «des temples de Dieu» (1 Cor 3,16), des chefs d’œuvre de Dieu en assumant la beauté de son geste exemple. Ce que désirent les hommes et les femmes d’aujourd’hui ce n’est pas d’entendre parler du Christ. Ils veulent le rencontrer dans la vie de ceux et celles qui ont foi en Lui et qui consacrent totalement leur manière de vivre à servir comme Il en a montré l’exemple.

L’évangile nous appelle à une praxis qui recentre le service sur «agir comme Jésus», sans rechercher la renommée et dans le plus grand détachement. Il nous pousse à vivre dans la marginalité, aux côtés des pauvres en partageant leur histoire et leur vie; à nous donner un style de vie aux structures simples. Il nous faut rendre visible et crédible le soin que Dieu prend pour le parti des sans voix.

Ce dont je parle c’est «aux petits» (Mtt 11, 25-30) que Jésus l’a révélé. Il faut être petits pour ne pas récuser ce testament jusqu’à rendre grâce au Père de nous avoir choisi «en exemple» pour continuer son Fils. De nous avoir choisi pour que d’autres croient, sentent et voient combien est proche de leur vie le Ressuscité.

EN GUISE DE CONCLUSION :

En guise de conclusion : Jésus n’a pas voulu nous signifier que nous sommes inférieurs aux autres. Il nous invite seulement à estimer les autres plus importants que nous. Servir, c’est élever l’autre jusqu’à le considérer plus grand que soi. Voilà le sens profond du geste de Jésus. En posant ce geste, Jésus ne s’est certainement pas senti inférieur, il a simplement voulu nous montrer que nous étions importants pour Lui.  Consacrer nos vies de service en nous faisant proche des «plus bas»  avec la vie et le destin «du plus bas» que fut Jésus et «des plus bas» comme il nous a donné l’exemple, est plus qu’une «cause» à nous donner. Nous ne pouvons pas non plus réduire cette «cause» à l’action. C’est une manière évangélique de vivre. «Le lavement des pieds» est une manière évangélique de vivre que seule notre foi en Jésus-Christ peut justifier. «Vous n’avez qu’un seul Maître et tous vous êtes frères» (Mtt23, 8).

Nous sommes conviés à nous tenir en état permanent de marginalité en ne servant pas comme les autres, en n’optant pas pour le levain de l’esprit du monde tout orienté par la recherche de notre  propre renommée et gloire. À nous tenir près des marginalisés que sont ces foules sans pasteurs, ces victimes de la mondialisation où les pauvres sont de plus en plus pauvres parce que les ressources sont l’apanage de ceux qui possèdent déjà.

Ce geste de Jésus est autre chose qu’une belle théorie de ″faire le bien″ ou de celle d’une mystique du détachement. Nous sommes sur le terrain non de la théorisation mais sur celui d’une praxis de foi.

Il nous faut rendre visible le déjà qui n’est pas encore en témoignant de notre foi dans l’ordinaire de l’existence. En menant une vie qui fait signe et qui est signe. Une vie qui défie les convictions fondamentales du capitalisme moderne (Rowland Wade, la soif des entreprises E, Hurtibise, HMH 2006).

Ce service dont je parle a un prix : nous faire entrer dans l’ «heure» de Jésus pour éprouver les sentiments de son cœur à la veille de sa Passion.

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Date: 
Mercredi, 1 avril, 2015

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