2011- B : Mtt 4,18-22 André apôtre, ne rien dire...te regarder
Année B : Mercredi 1ière semaine AVENT (litba01me.11)
Matthieu 4,18-22 : saint André apôtre, NE RIEN DIRE....TE REGARDER
Jésus «vient». Il vient pour nous offrir un regard qui appelle, qui interpelle. Pour nous ouvrir les yeux. Pour redynamiser nos regards qui en ont bien besoin. Mais ce qui devrait élever nos cœurs jusqu'au 3e ciel de l'extase, ce matin, c'est de prendre conscience de tout ce qu'a vu André dans ce regard de Jésus sur lui. Un regard tellement pénétrant, tellement invitant d'humanisme que, sur le champ, il a tout quitté pour le suivre. Dès le premier regard, un lien est établi. Dès la première rencontre, André ne voit plus que Jésus, ne se voit plus tant il est épris par ce qu'il voit. Ne rien dire...Te regarder, écrit le contemplatif poète Didier Rimaud.
André s'est tellement laissé prendre sa vie par ce qu'il a vu qu'il fut, à Patras selon la tradition et très peu de temps après la mort de Jésus, le premier à donner sa vie pour le Christ. Question : qu'a bien vu André dans ce regard qui a transformé sa vie ? Lui qui connaissait les psaumes, lui qui était en attente d'un grand changement dans le monde de son temps, en attente d'une libération annoncée, il a vu le Seigneur assis à la droite du Père (Ps 109, 1)... le Roi éternel de gloire (Ps 23, 8), le grand prêtre éternel (Ps 109, 4).
Il a vu un «regard-parlant» qui lui confirmait que celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le (Mc 9, 8). Pour un instant, il a entrevu que celui qui le regardait était le Fils éternel, l'envoyé du Père. Il a aussi vu que celui qui le regardait était fils d'homme, né de Joseph et de Marie. Jérémie disait : il est aussi homme, qui le comprendra (Jr 17, 9, LXX) ?
Et nous qui attendons le Seigneur (cf. Ph 3, 20), la bienheureuse espérance et l'avènement dans la gloire de notre grand Dieu et Seigneur (Tt 2, 13), nous dont notre espérance est [dans] le Seigneur (Ps 38, 8),[dans] celui qui ne décevra pas notre attente (Ps 118, 116), que voyons-nous dans ce regard qu'il pose sur chacun de nous en ouvrant ce temps de l'Avent ? Ce regard est venu pour se poser sur nous. Notre regard sur lui est notre premier geste de baptisé, de nouveau-né à la vie de Jésus.
Admirable condescendance de Dieu qui cherche! Admirable dignité de l'homme ainsi recherché!, s'écrit saint Bernard. Celui qui nous a faits nous estime à un si haut prix qu'il nous habille d'un trésor : son regard. Mais nos yeux souffrent trop de nos «moi» pour en être éblouis. Nous gisons trop sur nos grabats pour nous ouvrir à cette lumière inaccessible. Voir dans ce regard que Jésus est près de nous, qu'il a déposé en nous sa richesse, pressentir qu'il est le désiré de toutes les nations (Ag 2, 8 Vulg) et qu'en lui toute chair verra le Salut de Dieu (Is 40, 5; Lc 3, 6); quel bonheur il y a là-dedans!
Tout au long de ces semaines avant Noël, l'Écriture à travers la liturgie nous dira : éveille-toi, toi qui dors (Ep 5, 14). Comme André, ouvrons nos yeux à la lumière divine. Écoutons d'une oreille attentive la voix puissante de Dieu qui chaque jour nous presse en disant : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre cœur (Ps 94, 8). Il vient pour que nous le connaissions, lui qui n'est pas connu. Pour se montrer à notre monde, - toute chair verra le salut de Dieu - lui qui est hors du monde. Il vient dans sa miséricorde, lui qui nous est déjà présent par sa bonté créatrice. Il vient pour que les ténèbres de la mort ne vous enveloppent pas (Jn 12, 35). Il ne s'agit plus de croire mais bien de croître en ce regard. Je crois mais je croîs aussi, disait Claudel.
Nous pressentons durant ce temps de l'Avent que nos personnes vibrent de la proximité du Seigneur, que quelque chose se passe, se brasse. Nous sentons - c'est ça veiller, c'est ça l'espérance - qu'au milieu de l'effritement de nos sociétés, nous sommes prêts pour un changement de direction au moindre petit signe qui s'offrira à nous. Notre monde «mondialisé» le réclame aussi. À le regarder, nous vibrons déjà d'une joie nuptiale, celle de nous voir des attablés à une table de gloire.
Saintetés, regardons ce regard, veillons à ne pas l'éteindre - heureux ce serviteur que le maître trouvera en train de veiller (Lc 12, 37)- pour ensemble, en Église, arriver de naissance en naissance [à] mettre au monde l'enfant Dieu que nous sommes (Christian de Chergé). Une eucharistie pour nous apprendre à regarder ce monde - mission presque impossible ! - comme nous sommes regardés. Alors tout l'univers chantera dans la nuit de Noël : Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur. AMEN.