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2009 -B - Mc 14, 1-15,47Dimanche des Rameaux - qui meurt sur la Croix ?


Année B : 6e dimanche du CARÊME (litbc06d.09)
Marc 14, 1-15,47
 

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Nous célébrons dans une même liturgie deux processions qui semblent opposées : une entrée triomphale dans la ville de Jérusalem et celle d’une sortie vers le Golgotha. Nous lirons tantôt un évangile où la joie déborde et puis celui où la haine atteint des sommets inégalés contre celui qui est passé en faisant la paix. D’un coté, une foule en délire  de joie ou de haine; de l’autre, Jésus louangé ou tourné en dérision.

Et nous, dans quelle foule sommes-nous? Celle  qui acclame ou celle qui condamne ? Nous aus-si, parfois, nous avons peur de nous affirmer chrétiens, disciples. Parfois, nous prions, parfois nous tombons.

Ce matin, ce n’est pas la tristesse qui doit dominer en nous, mais notre action de grâce pour les portes du jardin fermé qui s’ouvrent à nouveau à nous. Voici donc une célébration pour ne pas regar-der nos misérables misères, mais pour contempler, adorer ce Christ [qui] s’est fait, pour nous, obéis-sant jusqu’à la mort de la croix, c’est pourquoi Dieu l’a exalté.

 


HOMÉLIE : QUI MEURT SUR LA CROIX ?


Pour voir autrement, il faut changer de regard. Pour changer de regard, il faut changer d’être en évacuant de nos personnes cette ivresse de nous-mêmes pour entrer dans celle de Jésus. Si nous regardons avec le regard de Jésus, si nous écoutons ce récit avec les oreilles de Dieu, une question étonnante surgit : qui meurt sur la croix ? Sur la croix, c’est Dieu qui meurt (Zundel).

La personne qui est sur la croix, c’est Jésus. Mais Jésus a dit : Qui me voit, voit le Père. Celui qui meurt sur la croix, c’est Dieu, ce Dieu inconnu des chrétiens tant nous avons peine à le contempler dans son identité trinitaire. Nous n’avons pas l’habitude de concevoir que le Fils est tellement dans le Père et le Père en lui, que le Fils est tellement habité par l’Esprit du Père, que nous oublions de saisir que sur la cCroix, c’est Dieu Trinité qui meurt. Sur la croix, nous voyons l’immense clarté de la Trinité (Zundel) qui se donne, se livre par amour. Sur la croix, ce qu’il faut regarder à travers ce Jésus défiguré   et méconnaissable, c’est un Dieu Trinité qui souffre, qui meurt d’amour et qui a soif d’être aimé. Cette soif a fait souffrir Mère Térésa parce qu’elle éprouvait son incapacité de répondre à cette soif dans les plus pauvres des pauvres. 

Devant nos yeux, cette semaine, voici un Dieu qui souffre pour nous, en nous, plus que nous, comme une mère pour ses enfants. Il serait incroyable d’affirmer que Dieu nous aime sans que nous croyions qu’il est le premier touché par tout le mal qui peut nous atteindre (Zundel). Un Dieu qui souffre d’un amour d’identification. Si les gens savaient, écrivait le philosophe Jacques Maritain, que Dieu souffre avec nous, bien des âmes seraient libérées.

Dans le récit de la Passion que nous venons d’entendre, Marc nous a présenté un Dieu à visage découvert. Tellement à découvert que, lorsqu’il a affirmé : au grand prêtre : tu le dis je le suis, on s’empressa de lui couvrir le visage, parce qu’on ne pouvait pas voir, concevoir qu’un Dieu puisse être si fragilisé, si démuni. Quand le visage de Dieu fut transfiguré devant eux par la souffrance, il devint brillant comme le soleil au point qu’on cacha son visage. Et le silence de Dieu qui suivit trahissait tout son mystère.

Ce que nous contemplons, c’est un Dieu qui ne fait pas tout ce qu’il veut, un Dieu sans armé ni pouvoir, un Dieu fragile remis entre nos mains, un Dieu qui souffre de se voir mal aimé, lui qui a tout fait pour nos montrer son amour.  Devant un tel Dieu impuissant, Maurice Zundel disait qu’il s’agit moins de nous sauver que de sauver Dieu lui-même. Très fort!

Ce que nous contemplons, c’est un Dieu qui a besoin d’aide, a besoin d’être protégé. S’il n’y a rien de plus fort que l’amour, il n’y a rien de plus fragile que l’amour.  Le récit de la Passion est l’itiné-raire d’un Dieu, Père, Fils et Esprit, qui nous tend les mains, qui nous ouvre ses bras pour nous dire : j’ai soif moi aussi d’être aimé, reconnu, aidé, soulagé. Rien n’est plus anti évangélique que de voir Dieu comme une super puissance contrôlant tout.

Nous vivons ce que nous n’aimerions pas vivre : le mystère d’un Dieu qui n’a pas l’air d’un Dieu, tant non impuissance détonne sur nos images de Dieu. Ce récit fait basculer nos conceptions de Dieu à 180 degré et requiert de nous une véritable conversion du regard et du cœur.

Nous qui sommes fascinés, comme nos contemporains, par les réussites bruyantes, l’éclat somptueux des gloires de ce monde, nous avons du mal, et mal, d’accepter la gloire de l’échec, la gloire de la descente dans l’humiliation de la crèche et celle de l’imprenable souffrance de la croix. L’incro-yable impuissance de notre Dieu a quelque chose d’agaçant pour nous  qui nous sentons si faibles, si fragiles, si menacés.

Ce chemin de la Passion, d’un Dieu fragile, nous le vivons aujourd’hui dans nos personnes. Ce n’est plus notre sang qui est versé, nos corps qui sont déchirés par les fouets. Notre passion débute quand nous aimerions  que nos Églises se retrouvent en avant scène, regardées, appréciées, applaudies. Notre passion prend racine en nous quand nous entendons parler de notre Église, décrier ses faiblesses, pour la crucifier, la ridiculiser, la couronner d’humiliation. Ça nous fait mal.

Cet évangile de la Passion invite à la conversion de nos regards, de nos cœurs. Notre grandeur, il faut la contempler dans la crèche, dans l’effacement, dans la solitude de Gethsémani et l’humiliation de la croix. La gloire que nous propose Jésus, le bonheur dont il est venu nous combler, la réussite qu’il nous propose, sont aux antipodes de ces rêves de puissance dont la crise actuelle nous fait découvrir la fragilité sans avenir. En effet, le Christ sera glorifié, mais il y parviendra en passant par la souffrance et la mort.

Depuis deux milles ans, combien d’empires ont sombré dans l’oubli, combien de rêves et de fortunes colossales  ont été engloutis dans la tourmente de l’histoire. Mais la beauté sans éclat de Bethléem,  la beauté de l’abaissement, la beauté du sans beauté demeurent encore le seul chemin qui a franchi les siècles. La discrétion de Bethléem, le sans beauté de Dieu en Jésus en Croix, le sans éclat du fils de l’homme et fils de Dieu, voilà ce qui porte notre monde blessé et meurtri par tant de haine entre nous. C’est lui, l’accablé par la croix qui nous relève comme il a relevé par son regard les témoins de sa passion.

Je termine par cette vision de Saint Léon le Grand : ne te laisse pas déconcerter par la faiblesse que j’ai prise. Si moi, j’ai tremblé, c’est en raison de ce que j’ai de toi, mais toi, sois sans crainte en raison de ce que tu tiens de moi(Sermon 54, 3ème sur la Passion). Nous n’aurons jamais fini de prendre et de vivre sereinement ce chemin. Entrons dans ce grand mystère que nous revivons maintenant dans cette eucharistie. AMEN.
 
 

 

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Date: 
Mercredi, 1 avril, 2009

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