2025 C- vendredi de la 13e semaine du temps ORDINAIRE (litco13v.25)
Mt 9, 9-13 : vivre au risque de l’autre.
Cet appel de Matthieu nous invite à garder dangereuse la mémoire de la liberté de Jésus contre les étroitesses des gens bien-pensants, de ceux qui se pensent « correct ». Ce geste est un cri de bienvenu dans nos sociétés à ceux qui en sont rejetés. Accueillir : tel est le secret d’une vie pleine selon Jésus.
L’évangile, c’est le récit de rencontres, de conversations dans la rue et à la table. Selon l’évangile de Thomas, découvert en Égypte en 1945, Jésus passe comme étranger face aux mœurs et coutumes de son époque. En s’appliquant, ce qu’écrivait Isaïe élargis l’espace de ta tente (Is 54, 2), Jésus a pris le risque d’être perçu comme suspect. Il n’était pas mal-à-l’aise de les rencontrer, de s’asseoir à leur table.
Lui collait à la peau la réputation d'ivrogne et de glouton qui fréquente les parias de la société. Il était même une honte pour sa propre famille tant il partageait la table des publicains, des prostitués. Les gens de sa parenté vinrent pour s’emparer de lui. Car ils disaient, il a perdu la tête (Mc 3, 21). Jésus ne parlait pas comme les scribes, n’agissait pas comme eux.
Cet appel de Matthieu questionne nos regards malveillants face à ceux qui ne sont pas de notre culture, de notre langue, de notre religion. Il est plutôt bienvenu à l’heure du règne de l’autonomie, de la peur des étrangers. Malgré les vives oppositions, Jésus tient bon et fait éclater l’esprit de clocher, le protectionnisme. Voir Celui qui est invisible (He11,27) en celui qui nous approchons, n’est pas une option. Son regard chaleureux sur Matthieu devrait nous aider à sortir de vingt siècles de fermeture aux autres, amplifiée présentement par un repli identitaire. Cet appel montre que Jésus mène une vie liée au ciel (saint Irénée).
Ce n'est qu'en agissant qu'on donne de la solidité à ce qu'on entend ou à ce qu'on comprend de Jésus. Entendre cette parole sans la pratiquer est refuser d’être, comme l’écrivait la lettre à Diognète parlant des premiers chrétiens, l’âme du monde.
Jésus ne joue pas à la fraternité en appelant Matthieu. Il est fraternel avec lui. Le poète et grand priant François Cassingena-Trévedy, affirme que la moindre égratignure faite à l’homme fait tout aussitôt couler le sang de Dieu. Les nombreuses égratignures faites aux personnes « autres », étrangères, nous obligent comme chrétiens à ajuster notre conduite sur cet élan de Jésus vers l’autre. Agir envers les étrangers, refuser au risque d’être emprisonné, qu’ils soient renvoyés dans leur pays, c’est d’être roc sur lequel je bâtis mon Église. Celui qui entend mes paroles et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc (Mt 7, 24). Comment prétendre croire en Jésus si nous ne prenons pas ce chemin ?
Une mission est nôtre : voir les petits gestes de bonté qui ne font pas défaut. Il faut que ces gestes soient vus, soient dit. Ces gestes, il faut aussi le voir et le dire, ne sont pas réservés aux chrétiens. Ils sont comme une brise légère, parfois un puissant souffle nouveau. La foi est une marche vers l’autre. Le chrétien est celui qui, malgré sa faiblesse humaine, imite Jésus et accorde à l’autre la première place. Prendre soin de l’autre n’est pas un commandement, c’est un appel à développer une foi fraternelle, une fraternité mystique.
À votre contemplation, ne voyons pas le mal, voyons le bien, tous ces petits gestes qui sont des trésors d’Évangile. AMEN.
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