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Mgr Noël Simard réagit à la décision de la Cour suprême...

Date: 
Mardi, 10 février, 2015 - 13:15

 

RÉACTION DE MGR NOËL SIMARD, ÉVÊQUE DE VALLEYFIELD, À LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA DANS L’AFFAIRE CARTER – DÉCRIMINALISATION DE L’EUTHANASIE ET DE L’AIDE AU SUICIDE

 

Vendredi le 6 février 2015 restera une date funeste pour le Canada. En effet, c’est le jour où la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction de l’aide au suicide et de l’euthanasie, ouvrant ainsi la porte à la pratique de ces actes qui menacent très gravement le bien collectif et notre vivre ensemble. Au Québec, la soi-disant « aide médicale à mourir » - qui n’est rien d’autre que l’euthanasie – devient légalement permise.

 

Comment réagir comme chrétien ou chrétienne, ou comme personne de bonne volonté, face à l’éventualité de ces actes dans notre pays et dans notre système de santé?

 

En tout premier lieu, rappelons que la maladie, la souffrance et la mort sont des questions cruciales que nous partageons avec tous nos frères et sœurs en humanité. Et dans la ligne de l’Évangile du Christ compatissant, les chrétiens et chrétiennes ont toujours cherché à soulager la souffrance et à soutenir les personnes mourantes dans l’ultime moment de leur existence.

 

Mais par rapport à l’euthanasie et au suicide assisté, il faut d'abord mettre au clair le point suivant : même s’ils deviennent légalement admis ou permis, ces actes demeurent moralement inacceptables.  Comme le rappelait Mgr Pierre-André Fournier, regretté président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, le 6 juin 2014, « l’euthanasie, même légalisée,  est tout à fait contraire à la dignité de la vie et de la personne ».

 

Tout catholique, avant d’agir, se doit de former son jugement, non pas à partir d’une loi civile qui permet des gestes moralement mauvais, mais à partir de la loi de Dieu inscrite dans son cœur et qui lui demande de protéger et de respecter la vie humaine jusqu’à sa fin naturelle.

Deuxièmement, cette décision aura un effet négatif sur la mise en place de soins palliatifs. Pourquoi dépenser de fortes sommes pour offrir ces soins de compassion et d’accompagnement lorsqu’on pourra mettre fin à la vie de personnes souffrantes plus rapidement et à un coût moindre? Comme l’écrit Mgr André Rivest, dans sa réaction au jugement de la Cour suprême du 6 février 2015, il faudra « redoubler d’efforts pour promouvoir les soins palliatifs et pour insister qu’ils soient accessibles à tous, dans toutes les régions ».

 

Troisièmement, une très grande vigilance sera nécessaire pour contrer et dénoncer les abus et les dérapages qui vont survenir malgré les promesses de balises, de garanties et d’encadrement des pratiques. Une fois qu’une offense criminelle devient une pratique médicale acceptable ou un droit personnel, une fois que des médecins pourront mettre fin à la vie de personnes dont la vie est jugée difficile ou intolérable, il sera inévitable que des pressions soient faites sur les patients ou les membres des familles pour qu’ils demandent l’euthanasie. Le prétendu « droit à l’euthanasie » deviendra un devoir. De plus, d’autres pressions seront faites sur les médecins dits récalcitrants et qui refuseront de pratiquer l’euthanasie. Et comme le dit encore si bien Mgr Rivest, « notre société devra relever le grand défi du respect de la liberté de conscience. Au personnel médical qui sera confronté à des demandes d’euthanasie, à tous ceux et celles qui ne peuvent accepter le suicide assisté comme réponse de la médecine à la souffrance, nous souhaitons force et courage pour invoquer, le moment venu, le droit à l’objection de conscience ». 

 

La Cour suprême semble avoir privilégié l’évolution des mœurs aux principes fondamentaux de la justice et de la protection de toute vie humaine, les droits individuels au bien collectif et au « vivre ensemble ». Plus que jamais, comme catholiques, nous nous devons de nous porter à la défense des membres les plus vulnérables de notre société. À cet effet, je me fais l’écho des appels répétés du pape François à être solidaires de ceux et celles qui se trouvent dans les périphéries de nos communautés, à savoir les personnes souffrant d’une maladie débilitante grave comme la maladie d’Alzheimer, les personnes handicapées, les personnes marginalisées ou exclues de notre dialogue social. Il nous paraît primordial que ces personnes ne soient l’objet d’aucune pression et ne subissent aucune discrimination en raison de leur état ou de leur qualité de vie jugée trop pauvre ou presque inexistante. 

 

Ce qu’il nous faut, c’est la promotion d’une culture de la vie, dans laquelle chaque personne se sent responsable du bien-être des autres jusqu’à leur mort naturelle. Notre société a davantage besoin d’une aide au mourant que d’une aide à mourir. À l’exemple du Bon Samaritain qui a pris soin de son frère blessé et à moitié mort sur la route, faisons preuve de solidarité, d’amour et de vraie compassion. Car plus une société manifeste sa sollicitude pour ses membres les plus faibles et vulnérables, plus elle montre sa grandeur.