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Rouleau Mgr Raymond-Marie, o.p. 1923-1926

« Charitas veritastis » (La charité de la vérité)

 

Mgr Raymond-Marie Rouleau, o.p., est né à l'Isle-Verte (Témiscouata, Québec), le 6 avril 1866. Il fut le deuxième évêque du diocèse de Valleyfield de 1923 à 1926. Élu le 9 mars 1923, il fut sacré par Mgr Pietro Di Maria, délégué apostolique, le 22 mai 1923 dans la cathédrale Sainte-Cécile de Valleyfield



 

Mgr Raymond-Marie RouleauD'Ottawa, où Mgr Émard venait d'être nommé, nous vint le deuxième évêque du diocèse. Pour un bref séjour : trois ans. Dans la carrière d'une personnalité comme Raymond-Marie Rouleau, ce passage ne sera, pour ses biographes officiels, « qu'une étape » (J. Élie Auclair). Pourtant, on lui doit beaucoup.

 

Né le 6 avril 1866 à l'Isle-Verte, au diocèse de Rimouski (qui nous donnera, plus tard, Mgr Lebel), le brillant étudiant Félix Rouleau se destinait à la prêtrise pour son diocèse. Mais , en 1885, une étrange maladie (on parla de phtisie) faillit l'emporter. Il attribua à la Vierge sa guérison inespérée, ce qui l'amena peut-être à entrer, cette même année, au noviciat des Dominicains, à Saint-Hyacinthe. Il poursuivit des études en Corse (où les Dominicains, chassés de France, s'étaient réfugiés), y fit sa profession solennelle sous le prénom de Raymond-Marie, le 3 août 1891, et fut ordonné prêtre le 31 juillet 1892.

 

Il remplit ensuite diverses charges dans l'Ordre, notamment comme professeur et maître des novices, d'abord à St-Hyacinthe, puis à Ottawa où il devint le premier Prieur du Couvent choisi comme centre d'études de la Province dominicaine. À Ottawa, cet homme de haute stature, spécialiste érudit de Saint Thomas d'Aquin, professeur de théologie morale et de droit canonique, se tailla une réputation d'homme d'action, de fin diplomate et de grand conseiller de la Délégation apostolique. Il se fit le défenseur de la minorité franco-ontarienne, aux prises avec le Règlement XVII, à tel point que le journaliste Omer Héroux le surnomma « le théologien de la résistance ». En 1919, il fut élu Provincial de l'Ordre.

 

Après 37 ans de vie religieuse, il fut nommé évêque de Valleyfield le 9 mars 1923 et fut sacré dans la Cathédrale Sainte-Cécile le 22 mai suivant. Il y fut accueilli, entre autres, par son prédécesseur, Mgr Émard, par le Vicaire capitulaire, Mgr Jean-de-la-Croix Dorais, p.a., et par M. Honoré Mercier, député de Châteauguay et ministre des Terres et Forêts dans le gouvernement du Québec.

 

Simple étape ? Peut-être : le 9 juillet 1926, il était nommé archevêque de Québec, puis, en 1927, créé cardinal par Pie XI. Il mourut quelques années plus tard, le 31 mai 1931, à l'âge de 65 ans, en la Fête de Marie-Médiatrice (il avait une grande dévotion à la Vierge).

 

Mais son passage a laissé des traces chez nous : ce formateur de prêtres, solide théologien, accorda vite beaucoup d'importance à l'éducation de la foi des gens et à la formation du clergé.

 

Son action la plus remarquable fut sa décision de transformer le Collège de Valleyfield en Petit Séminaire, sous le vocable de Séminaire Saint-Thomas-d'Aquin, lui donnant une constitution canonique et lui accordant l'autonomie financière et pédagogique nécessaire.

 

Le Mandement du 7 mars 1924 rappelle que, jusque-là, 2500 jeunes avaient été formés au Collège et qu'il en était sorti 96 prêtres et religieux, ainsi que 24 séminaristes et novices en formation. Ce que Mgr Rouleau appelait « l'œuvre capitale du Séminaire » abritait, en effet, pour lui, « les jeunes gens qui constituent la meilleure espérance de l'Église et de la Patrie » : il désirait donc, pour eux, une sérieuse formation morale et intellectuelle, capable d'en faire « de saints prêtres et de grands citoyens ». On dit qu'à l'occasion de ses fréquentes visites aux malades de l'Hôtel-Dieu, il aimait passer par le Séminaire pour causer avec les étudiants et « voir évoluer nos athlètes aux différents sports ».

 

Une autre décision importante fut celle d'envoyer désormais les futurs prêtres du diocèse au Grand Séminaire de Montréal. Jusque-là, ils se formaient tout en travaillant au Collège. Le clergé fut d'ailleurs, chez lui, un souci constant. Dès son arrivée, il exigea de tous les prêtres leur participation à la retraite spirituelle annuelle, en août, au Séminaire.

 

Il demanda aussi aux prêtres de tenir, dans chaque vicariat forain (région pastorale), des « conférences ecclésiastiques » au moins trois fois l'an, sur des sujets prédéterminés que chaque prêtre, à tour de rôle, devait exposer. Cela permettait aux prêtres de rafraîchir leurs connaissances théologiques. Mgr Rouleau nomma l'abbé Arthur Goyette, « directeur général des Conférences ». Il publia aussi une lettre pastorale à ses prêtres sur « l'esprit ecclésiastique ».

 

Ses nombreuses lettres et mandements pastoraux portent la marque d'une profonde spiritualité. Elles ont une saveur biblique. Elles font appel aux motivations les plus profondes. Ses sujets de prédilection : le Royaume de Dieu et la Seigneurie du Christ. Il cherchait, de toute évidence, à convaincre son clergé de l'importance de leur mission de prédicateurs de l'Évangile : « La doctrine! La doctrine! Faites connaître la doctrine de l'Église, la doctrine de Jésus-Christ! C'est elle qui nous sauvera, c'est elle qui rénovera le monde! ».

 

Il insistait sur la nécessité d'une prédication dominicale catéchétique (il propose 160 sujets d'après le Catéchisme du Concile de Trente et le Catéchisme de Pie X) à laquelle doit s'ajouter l'homélie ou le commentaire évangélique. Il recommanda même qu'aux messes de semaine, on fasse quelques réflexions sur l'Évangile. Il demanda d'organiser une solide catéchèse des enfants qui se préparaient aux sacrements. Il recommanda aux curés d'expliquer la liturgie et de faire participer l'assemblée au chant de la célébration.

 

Il entreprit assez rapidement la visite pastorale des paroisses (41 à son arrivée), prenant soin d'en expliquer longuement la portée spirituelle, mais aussi les exigences administratives. Il introduisit aussi une Mense épiscopale équivalente à 1 $ par famille par année afin d'éteindre les dettes encourues par le diocèse depuis sa création récente. On disait de lui qu'il avait « préféré une économie obscure à une dépense remarquée, sans toutefois rien négliger pour créer et maintenir les œuvres nécessaires à l'Église ».

 

On souligna, d'ailleurs, à son départ, le fait qu'il avait agrandi l'Hospice afin de soulager les indigents, et qu'il avait le souci des vieillards, des pauvres, des malheureux et des orphelins. « La maison épiscopale a été une maison de charité ».

 

Il accomplit, dès la fin de 1924, sa première « visite ad limina » à Rome, muni d'un rapport en 12 chapitres sur l'état du diocèse, et dès mars 1925, il convoquait un synode diocésain pour réviser la discipline pastorale.

 

Cet administrateur averti savait pourtant être un bon pasteur (« Nemo tam pater! » dira-t-on de lui), un fin causeur, gai et spirituel, un homme de Dieu, qui parlait à son clergé comme à des hommes appelés à la sainteté, dotés d'un pouvoir, certes, mais d'abord d'une puissance d'humilité et de charité.

 

Richard Wallot, v.g.

Tiré de Témoins d'une Église, 1991