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Caza, Mgr Percival 1955-1969

4e évêque de Valleyfield

 

« Omnia in omnibus Christus » (Le Christ, tout en tous)

 

Mgr Percival Caza est né à Saint-Anicet (Huntingdon, Québec) le 13 août 1896. Élu évêque auxiliaire de Valleyfield le 7 août 1948, il fut sacré par Mgr Ildebrando Antoniutti, délégué apostolique. Il a été nommé coadjuteur le 24 juillet 1955 et devint administrateur du diocèse le 31 janvier 1964. Au décès de Mgr Joseph-Alfred Langlois en 1966, il est devenu le quatrième évêque du diocèse de Valleyfield le 22 septembre 1966. Il remis sa démission et prit sa retraite le 18 mars 1969



Mgr Percival Caza

 

L'homme du Concile Vatican II

 

Le Concile Vatican II reste un point de référence essentiel pour qui veut pénétrer un peu l'âme de cet évêque remarquable que fût Mgr Caza et comprendre l'action réalisée au sein de son diocèse.

 

Mgr Percival Caza a participé à tout le Concile Vatican II. Celui-ci commença le 11 octobre 1962 pour se terminer le 7 décembre 1965. Le Concile lui-même consista en 4 sessions d'environ 3 mois chacune. Mais il y avait toutes les études à réaliser entre les sessions.

 

Au cours de ce Concile, Mgr Percival Caza était évêque coadjuteur au diocèse de Valleyfield avec droit de succession.

 

Je dirais que la vie de cet homme a été orientée par Dieu en vue de ce Concile et de sa mise en œuvre dans son diocèse.

 

Dieu l'avait préparé à cette mission

 

Mgr Percival Caza naquit à Saint-Anicet, le 13 août 1896. Il était né dans le diocèse dont il serait appelé à assumer les responsabilités.

 

Il fit une partie de ses études classiques au collège de Valleyfield et alla les terminer au Séminaire Sainte-Thérèse. Il fit ses études théologiques au Grand Séminaire de Montréal et fut ordonné prêtre pour le diocèse de Montréal le 29 juin 1922.

 

Il étudia la philosophie à Rome où il obtint son doctorat. Puis il fit des études spéciales en Lettres à Paris.

 

Il enseigna la philosophie et la littérature au Séminaire Sainte-Thérèse dont il devint le Supérieur au mois de juillet 1945.

 

Mgr Caza a d'abord été éducateur éminent et distingué. Un de ses anciens élèves, optométriste de profession, écrivait : « Ceux-là qui ont ce grand honneur d'être des anciens élèves de Mgr Caza, chantent unanimement la compétence, la pensée profonde, l'humaine compréhension, la clarté et la logique de celui qui leur a donné le vrai sens de la vie ».

 

C'est au mois d'octobre 1948, qu'il fut nommé évêque auxiliaire de Mgr Joseph-Alfred Langlois. Mgr Caza revenait à ses sources.

 

Mgr Percival Caza prenait comme devise : Omnia in omnibus Christus « Le Christ, tout en tous ». Dans cette devise nous sentons battre le cœur du jeune prêtre qui a fait son séjour à Rome à l'heure où cette ville et le monde entier vibrent de l'enthousiasme qui acclame la proclamation de la fête du Christ-Roi. Plus encore elle nous rappelle ses années d'études au Collège de Valleyfield, alors qu'il faisait partie de cette « Croisade d'adolescents » qui voulaient gagner au Christ la jeunesse étudiante. Cette seule devise décrivait déjà ce cœur préparé par Dieu pour l'action qu'il accomplirait dans l'Action catholique et au Concile.

 

Je voudrais mettre en relief cinq lignes de force qui ont caractérisé l'homme et son œuvre.

 

1. La promotion du laïcat

 

Mgr Percival Caza a été évêque auxiliaire de Mgr J.-Alfred Langlois de 1948 à 1955. La première partie de son épiscopat fut marquée par l'une de ses préoccupations fondamentales, la promotion du laïcat.

 

Il avait compris dans la prière et l'étude, avant même que le Concile l'exprime clairement que l'Église, c'est ce Peuple de Dieu dont tous les membres sont solidairement responsables du salut du monde.

 

D'ailleurs, il avait reçu de Mgr Langlois la mission d'animer tous ces mouvements tant religieux que sociaux qui dépassent les cadres d'une paroisse et prenaient naissance un peu partout.

 

Au cours de ces années, tous les mouvements d'Action catholique ont pris, dans le diocèse, un essor considérable, car Mgr Percival Caza s'est engagé à fond dans les Mouvements d'Action catholique de son époque par ses paroles et son action.

 

Des centaines de diocésains qui ont entre 35 et 55 ans se souviennent de l'avoir rencontré dans de multiples sessions d'étude. Tous ceux qui ont participé aux Mouvements de J.E.C.; J.O.C.; J.R.C.; L.O.C.; se rappelleront avec ferveur de cet évêque qui devenait rapidement leur ami et leur compagnon de travail. Il était de toutes les rencontres.

 

À chaque groupe, il savait adresser des paroles de nature à éclairer leur action. Et pour chaque personne il avait un accueil et une attention étonnante. Sous un extérieur plutôt froid se révélait rapidement l'homme sympathique, compréhensif et accueillant.

 

Les Chevaliers de Colomb, les Filles d'Isabelle, Le Scoutisme, la Société Saint-Jean-Baptiste, autant de mouvements dont il favorisa l'essor avec cette conviction que tous ces chrétiens étaient dans leurs milieux respectifs des témoins de Jésus-Christ.

 

Son action a d'ailleurs dépassé les cadres du diocèse, car il fut, pendant plusieurs années, membre de la Commission épiscopale de l'Action catholique canadienne.

 

Le Secrétaire général de l'Action catholique canadienne, Claude Ryan, lors d'un Congrès tenu à Valleyfield le 11 décembre 1958, disait : « Pour notre action nous rencontrons souvent difficultés et obstacles, il fait alors bon de rencontrer une autorité religieuse capable de saisir la porté d'un problème et d'en chercher librement la solution ». Tous admiraient le jugement extraordinaire de cet homme dans toutes les situations et pouvaient compter sur lui.

 

2Sens social et dialogue

 

Mgr Caza avait également le respect de la dignité humaine. Il voulait favoriser l'action de tout groupe, de toute personne qui désirait travailler en ce sens. Il était préoccupé des questions sociale et syndicale de l'époque. Que de rencontres, que de conversations avec des responsables de ces différents secteurs d'action!

 

C'est avec ce sens de la dignité humaine, qui apparaît peut-être aux jours d'épreuve, que Mgr Caza a travaillé à vivifier la Fédération des Œuvres de charité, à donner naissance au Service social, au Centre psychosocial. Mgr Caza avait également la préoccupation d'entrer en dialogue, en communication avec tous les hommes. Il était l'homme du dialogue, de l'ouverture aux autres.

 

Ses amitiés avec les responsables des différentes Églises protestantes démontraient qu'il était déjà imbu de cet œcuménisme dont on parle tant aujourd'hui. Ses amitiés avec les membres de différents clubs sociaux dits neutres dénotent aussi son ouverture d'esprit.

 

3. Sens de l'Église et l'heure du Concile

 

Mgr Caza avait également le sens de l'Église de son temps et le goût de vivre à son époque. Intellectuel de grande classe, il lisait et assimilait tout ce qui, à l'époque, était à la fine pointe de la pensée humaine et religieuse.

 

Aussi, quand arriva l'heure du concile, Mgr Caza était-il prêt pour cette rencontre universelle, car il avait déjà longuement réfléchi sur toutes ces idées qui devaient s'y exprimer.

 

Devenu, peu après la fin du Concile, évêque titulaire de Valleyfield, sa préoccupation première fut les prêtres de son diocèse. Il désirait que tous les prêtres puissent assimiler, dans la fidélité à la Tradition, toutes les voies nouvelles ouvertes par le Concile. Il les invitait à se rassembler 7 ou 8 fois par année, en plus de la retraite annuelle. Des sessions d'étude et de réflexions étaient aussi organisées pour eux par groupes d'âge. Il aimait ses prêtres et avait mis en eux sa confiance.

 

Il gardait toujours ses préoccupations d'hier, liées à la promotion du laïcat, mais avec la conviction qu'une action s'imposait auprès des prêtres pour arriver à faire naître une Église où chaque baptisé se sent responsable.

 

À ses prêtres, comme aux laïcs, il voulait donner le vrai sens du Concile qui n'a jamais été négation du passé, mais mise en relief des valeurs essentielles de la foi chrétienne. Dans une lettre pastorale envoyée à ses diocésains, le 18 septembre 1964, il leur rappelle ces paroles du Pape Paul VI, qu'il faisait siennes. « La réforme visée par le Concile, ne consiste pas dans un bouleversement de la vie présente de l'Église, ni dans une rupture avec sa tradition dans ce qu'elle a d'essentiel et de vénérable, mais elle est plutôt un hommage rendu à cette tradition dans l'acte même qui veut la débarrasser de tout ce qu'il y a en elle de caduc et de défectueux, de façon à lui faire trouver, son authenticité et sa fécondité ». Et il disait : « il y a danger de changer des choses sans changer d'esprit ».

 

Après avoir parlé de l'attention que Mgr Percival Caza portait aux laïcs et aux prêtres, je ne puis oublier la grande amitié qui le liait aux religieux et religieuses, même si j'anticipe sur ses réalisations.

 

Mgr Caza avait toujours été très proche des religieux et des religieuses. Devenu évêque titulaire, il mit sur pied l'Office des religieux-ses afin de favoriser un rapprochement entre les différentes communautés pour qu'elles deviennent des témoins d'unité dans la prière et dans l'action. Il voulait aussi, par cet Office, favoriser l'insertion des religieux‑ses dans les nouvelles structures sociales et ecclésiales.

 

4. Pasteur engagé

 

Mgr Percival Caza ne faisait pas que participer au Concile par de savantes études, mais il avait la préoccupation de faire naître en chaque fidèle la pensée du Concile et de mettre sur pied des organismes qui aideraient à traduire dans la vie quotidienne des gestes conformes à la pensée de l'Église.

 

Vers la fin de décembre, à la fin de chaque session conciliaire Mgr Caza revenait à son diocèse la tête remplie de projets. Il se mettait alors à étudier et à échanger avec ses principaux collaborateurs.

 

Puis c'était vraiment lors de la retraite diocésaine du mois de juin, où tous les prêtres devaient être présents, qu'il révélait sa pensée pastorale et ses projets.

 

À chaque retraite sacerdotale, il s'adressait longuement à son clergé. Ses conférences sont d'une richesse spirituelle qui révélait la vie intérieure de cet homme, son amour de l'Église et sa rigueur intellectuelle.

 

D'année en année, il dressait les grandes lignes d'une Église diocésaine à l'heure du Concile. Et c'est au mois de mai 1968, qu'il publiait un document, élaboré avec l'aide de ses collaborateurs, où était dessinée l'organisation pastorale du diocèse. Ce document tenait compte de toutes les décisions prises au Concile Vatican II. Ces décisions du Concile devaient être mises en termes législatifs par le Code de Droit canonique publié en 1983. Mais déjà nous retrouvons dans ce document les organismes principaux qui seront inscrits 15 ans plus tard dans le Code.

 

Ce document était précédé d'une lettre admirable de clarté écrite par Mgr Percival Caza, intitulée : « Vers un renouvellement des structures et des mentalités de l'Église du diocèse de Valleyfield ».

 

Il présentait ce projet comme un document à étudier, ajoutant cependant que ces « projets proposés avaient été pensés longuement. Quatre sessions conciliaires avec les études qu'elles comportaient ». Ce projet en était le fruit.

 

Cependant en homme réaliste, il ajoutait « les structures les meilleures n'ont jamais converti les hommes à Jésus-Christ ». En homme rempli de foi et d'une grande culture ecclésiale il ajoutait : « L'Église ne connaît pas de révolution ou de rupture, mais une évolution à partir d'un donné qui vient du Christ (les institutions divines) ou de l'histoire (les institutions ecclésiastiques) ce sont ces dernières qui sont sujettes à changement au cours de l'histoire, car elles sont souvent liées au degré d'évolution d'un peuple, et pour nous, de notre diocèse ».

 

Nous devrions encore tous méditer ces réflexions si nous voulons être sérieux dans notre action pastorale.

 

Impossible de résumer ce document de 125 pages, mais disons qu'il rappelait le travail déjà fait et à venir, telle la création d'un Conseil presbytéral, de zones pastorales, d'un Conseil diocésain de Pastorale, d'un Office du Clergé, d'un Office des religieux et des religieuses, de Conseils de Pastorale paroissiale, d'une Fédération diocésaine des marguilliers. On ne peut oublier la magnifique conférence qu'il leur adressait à cette occasion.

 

En 1966 avait déjà été mis sur pied un conseil d'administration financière, composé de quatre laïcs, nommés par l'évêque et choisis en vertu de leur compétence administrative. En 1964 commençaient toutes les réformes liturgiques élaborées par le Concile dans la Constitution sur la liturgie, publiée le 4 décembre 1963, à la fin de la 2e session conciliaire.

 

D'où l'on voit que Mgr Percival Caza n'en demeurait pas à des principes énoncés, mais s'engageait dans une action éclairée et entraînait après lui laïcs et clercs dans des projets pastoraux précis.

 

 

5. L'homme qui pressentait les changements à venir

 

Professeur et éducateur de carrière, Mgr Percival Caza s'intéressa vivement aux changements qu'il pressentait dans tous les secteurs au cours de ces années appelées : « La Révolution Tranquille ».

 

Il s'intéressa surtout aux changements dans le secteur de l'éducation. On aurait dit qu'il voyait venir les évènements, les provoquant souvent afin que ces évènements soient vécus dans la cohérence.

 

C'est sous son épiscopat en 1964, que des laïcs furent nommés à des postes-clés au Séminaire diocésain, qui devait devenir le cegep actuel.

 

Les écoles secondaires voyaient le jour un peu partout. Mgr Caza voulut assurer une présente ecclésiale en ces écoles par la présence de prêtres et de chrétiens convaincus. Il créa alors l'Office d'éducation.

 

Dans un esprit lucide et réaliste, il voyait ce passage d'institutions sociales confessionnelles à une déconfessionnalisation, devenue sans doute nécessaire en différents secteurs. Mais il agissait avec sagesse de façon à préserver les droits des catholiques, tout en reconnaissant les droits de ceux et celles qui ne partageaient pas notre foi.

 

L'homme se retire de la scène active

 

Le 5 février 1969, Mgr Percival Caza écrivait au Pape Paul VI. « Entrant dans ma 74e année en août prochain, j'estime le moment venu de renoncer à ma charge d'évêque de Valleyfield ». Et le 28 février le Pape acceptait cette renonciation. Vers le mois d'avril 1969, Mgr Caza se retirait à la Fraternité sacerdotale à ville de Léry. C'est au cours de ses dernières années qu'il renoua avec ce travail de directeur d'âmes qu'il avait si bien rempli au cours de ces années d'enseignement au Séminaire Sainte-Thérèse. Que de personnes allaient à Châteauguay pour échanger, discuter, solliciter ses conseils de prêtre à l'âme purifiée par l'étude, le travail, la prière et le silence!

 

Au mois de février 1976, Mgr Percival Caza quittait ce monde pour aller à la rencontre de son Père et notre Père. Le Seigneur « venait le prendre avec lui ».

 

Mgr Percival Caza a vraiment été l'homme de son époque. Esprit chercheur et brillant, aucun secteur de pensée et d'activité ne lui a échappé.

 

Pasteur engagé il a su opérer et orienter avec sagesse les passages difficiles d'une révolution sociale et religieuse pas toujours tranquille. Mais il avait le don d'imprégner du ferment évangélique toutes les valeurs humaines et les nouvelles situations faites à l'Église par une civilisation naissante.

 

Mgr Percival Caza aura œuvré pendant 21 ans au diocèse de Valleyfield.

 

Hozaël Aganier, PH

Tiré de Témoins d'une Église, 1991