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2018-B- Jn. 8, 31-42 - mercredi 5e semaine carême- perdu dans l'innommable

Année B : mercredi de la 5e semaine du carême (litbc05me.18)

 Jn. 8, 31-42 : perdu dans l’innommable

Quel violent affrontement entre Jésus et ses opposants. Il y a confusion entre croire en Jésus et croire qu’on a la foi. Il y en a, dit le verset précédent, beaucoup qui crurent en lui (v.30). Plusieurs aussi, ceux qui croyaient avoir la foi, manifestent brutalement, persistent à ne voir en Jésus qu’un dangereux révolutionnaire, un menteur. Tu n’as pas cinquante ans et tu as vu Abraham (v.57). Ce qu’on reproche à Jésus, c’est moins son «entêtement» à exprimer qu’il dit ce qu’il a vu chez [son] Père (v. 38), mais plutôt son infidélité au respect de la tradition. On lui reproche de demeurer accessible aux impurs.

Pourquoi tuer Jésus ? Parce qu’il est dangereux en dépassant la frontière de l’acceptable en refusant de diviser la société entre purs et impurs. Dangereux, parce qu'il est perçu comme un «malfaiteur» de la religion.   L’éliminer, c’est sauver la religion.  Moi je vous dis la vérité.  On ne veut pas entendre ce que Jésus dit.

Ce que dit Jésus : donnez à chaque personne sa dignité. Jésus refuse qu’un numéro remplace le nom de la personne. Pour lui, il n’y a personne qui soit des «non-personnes», des moins que rien. Il rejette avec fermeté que quelqu’un soit perdu dans l’innombrable (Marcel Légaut). Dans l’innommable que sont les «sans» : sans-papier, sans argent, sans logis, sans famille, sans équilibre mental, sans santé, etc. Jésus veut plutôt sauver l’humain que sauver la religion. Cela dépasse l’acceptable. Ce regard-là, sauver l’humain, n’est pas un regard optionnel. Ce mot, notons-le, contient aussi celui d’option. C’est un regard divin. Prioritaire.

La vérité que clame Jésus redonne du poids social à ceux qui n’en ont pas. Cette attitude représente une menace à l’ordre établi, aux valeurs véhiculées. Vous cherchez à me tuer parce que moi […] je vous dis la vérité que j’ai entendue de Dieu (v. 40). Parce que moi je veux plus de justice entre vous. Pour Jésus (et cela provoque de vives oppositions),  personne ne doit être enseveli dans l’immense (Marcel Légaut) de son inhumanité. Là est le cœur de la bonne nouvelle.

Ceux qu’on appelle «des riens» ne sont jamais rien. En dépit des limites et des finitudes, chacun est nécessaire à l’humanité. Chacun a son petit grain de sel à offrir.  Cela est exprimé avec clarté et simplicité dans une prière eucharistique pour assemblée avec les enfants : toi, tu penses toujours aux hommes. Tu ne veux pas être loin d’eux, tu as envoyé parmi nous Jésus […] à tous, il a montré ton amour.

Pour une société rapide à dénombrer les purs et écarter les impurs, ce message de Jésus, cette vérité de la beauté du vulnérable (D. Lambert), est subversif. Cela demeure aujourd’hui. Question. Comment vivons-nous cette vérité que toute personne possède en elle une dignité indélébile, peu importe son comportement enraciné dans l’inhumain ? Vous êtes, dit Paul, corps du Christ, et membre, chacun pour sa part (1 Co 12, 27). Chacun pour sa part a de l’importance et a une place irremplaçable. Pour nous aider à répondre si cela est vrai dans nos manières de voir les autres, regardons comment nous acceptons dans nos sociétés les migrants, ces étrangers qui viennent, me disait quelqu’un, prendre nos jobs. Nous enlever notre identité.

Jésus nous délivre de l’idéologie de la perfection.  À ses yeux, chaque personne est toujours inachevée, en voie d’accomplissement. Il accepte les imperfections d’un Zachée, du jeune homme riche. Il ne fait que les inviter à accroître leur carence d’être[1]. Dans nos mots, ça signifie devenir meilleur chaque jour. Devenir tellement humain qu’ils seront d’autres Jésus.

À votre contemplation : vivre le carême, c’est s’engager à devenir meilleur tout en étant imparfait jusqu’à notre dernier souffle. Je termine par ces mots de Thérèse d’Avila dans son chemin de perfection (#46) : comprenez bien cette vérité, c’est important : le Seigneur est au-dedans de nous. Cette vérité nous fait désirer devenir meilleur. AMEN.

 


[1] Fleuret, Lestriez, Musset, Marcel Légaut, une parole féconde, Éd. Karthala, 2014, p. 73

 

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Date: 
Jeudi, 1 mars, 2018

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