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CRESCENDO D'UNE FÊTE

  CAUSERIE #4  : CRESCENDO D’UNE FÊTE 

« Tous nous en sommes indignes ; mais c'est Jésus qui nous invite, c'est lui qui le désire.

Soyons donc humbles et recevons-le d'un coeur rempli d'amour »

(Padre Pio).

INTRODUCTION

Dans toute fête ou rassemblement, il y a un mouvement « crescendo » qui aboutit à un summum. L’entrée d’un chef politique est longuement préparée par des « bâtisseurs » de foule. Dans une noce, tout est centré sur l’entrée de la mariée. Quand Dieu nous célèbre, il a le souci de nous amener lentement au sommet de la fête. C’est ce que nous appelons le rituel : accueil, Seigneur, aie pitié de nous, la Parole de Dieu, la consécration « Prenez et mangez » pour se terminer par un envoi « dehors » qui est «  comme une grande école de paix » (Jean-Paul II, lette annonçant l’année eucharistique, Mane nobiscum domine).

Toutes les étapes du rituel de nos célébrations visent à accroître notre joie à « participer » à la fête, à nous faire entrer dans l’esprit de fête. Elles ont pour finalité de réaliser ce que saint. Benoît dit dans sa règle, à propos de la récitation des psaumes : « le cœur doit être accordé à la voix, aux mots ».

Il faut entrer progressivement dans l’esprit de la fête que Dieu nous offre, accorder « le cœur aux mots », harmoniser ce que disent nos lèvres et ce que vit notre cœur. C’est le sens de notre « participation » à l’eucharistie. « Il convient par conséquent de dire clairement que, par ce mot, on n'entend pas faire référence à une simple attitude extérieure… la participation active souhaitée par le Concile doit être comprise en termes plus substantiels, à partir d'une plus grande conscience du mystère qui est célébré et de sa relation avec l'existence quotidienne » (Benoît XVI Sacramentum Caritatis 52).  

Dieu a une manière bien à Lui de nous célébrer, de nous dire toute sa joie à nous voir ou avoir à sa table. Nous ne sommes pas des « invités » à « un show, un spectacle qui ait besoin de metteurs en scène géniaux, ni d’acteurs de talent». Nous ne sommes pas «invités» pour vivre une «actualité éphémère »   (Benoît XV1, entretien sur la foi). Nous sommes « invités » à entrer dans une démarche, un rituel dont le momentum ouvre sur le mystère sacré, celui d’être « en Lui et Lui en nous ». Entrer dans le rituel de Dieu est le chemin pour accéder à la plénitude de la fête.  

 Déjà au 1er siècle, l’évêque et martyr saint Irénée de Lyon (vers 130-208) écrivait contre les hérésies de l’époque : « Loin d’apporter quoi que ce soit à la lumière, c’est eux qui en bénéficient.  Ce n'est pas vous qui m'avez choisi : c'est moi qui vous ai choisis » (Jn 15,16). Il indiquait par là que ce n'étaient pas eux (les invités) qui le glorifiaient en le suivant, mais que, pour avoir suivi le Fils de Dieu, ils étaient glorifiés par lui... Dieu accorde en effet ses bienfaits à ceux qui le servent, parce qu'ils le servent. Mais il ne reçoit d'eux nul bienfait, car il est parfait et sans besoin. Il les appelle parce qu'il les aime ».

Nos célébrations n’apportent rien à Dieu qui, dans son être même, est « parfait ». Il n’a pas besoin de nous. Mais nous pouvons tout recevoir de lui. Recevoir l’hommage qu’il nous offre. Son invitation nous élève, nous fait sentir important, nous gratifie. Elle nous fait du bien.  Pour nous dire tout le privilège qu’il a de nous recevoir   - et ce n’est pas rien -  il nous offre une table à cinq services.

 QUE LA GRÂCE DE DIEU  

En guise d’apéro, comme premier service, une invitation à entrer et à partager la vie même de Dieu. « Que le Dieu Père, son Fils et l’Esprit soit avec vous ». Cet accueil, si nous y portons attention, nous rend ivre. Il ouvre sur la beauté d’une vie en état d’harmonie, de paix. Il donne de la hauteur, de la profondeur aux « invités ». C’est une invitation à loger chez Dieu, à  participer tous ensemble à la Communion trinitaire.

Dès l’ouverture, le rituel de Dieu, son premier « toast »,  est nous voir entrer en  « société » - le mot est d’Élisabeth de la Trinité-, de nous appeler à vivre en « communion »,­ - le mot est de saint Jean-  avec Dieu. « Vous n’êtes plus des hôtes ou des étrangers, mais vous êtes déjà de la maison de Dieu (Ep2, 19) ».  Ce n’est pas n’importe quoi. « La Trinité, voilà notre chez-nous, la maison paternelle d’où nous ne devons jamais sortir »  (Élisabeth de la Trinité, le ciel dans la foi, Paris, 2002, p.99, #2). Elle confirme que nous sommes « invités » à vivre en « société »,« en communion » (1 Jn1, 3) avec la Trinité.  Or Dieu est Paix.

Ce premier geste nous fait déjà tendre vers ce qui est meilleur. Il nous met en mouvement. Un geste invitation à tendre vers ce qui est le meilleur pour nous : vivre entre nous l’harmonie existant en Dieu.  Que désirons-nous de plus que l’harmonie, la paix ? Un « toast » vraiment divin puisque Dieu nous offre ce qu’il est par nature : paix. Au V1e  siècle, Pseudo-Denys définissait l’être divin « comme la paix en soi, l’auteur de la paix universelle et de tout être singulier » (cité dans Vives flammes, mars 2007).

SEIGNEUR PRENDS PITIÉ

Comme deuxième service, Dieu s’empresse de nous confirmer sa joie à nous voir loger, vivre en « société » avec lui, en nous « délivrant du mal ». Nous sommes beaux à ses yeux. Dieu nous célèbre pour les mêmes raisons qui nous font hésiter à être des « invités » : nos fautes. Étrangement, Dieu nous célèbre non pour nous enfermer dans sa dépendance, mais simplement parce qu’il « veut se pencher sur nous avec toute sa charité » (lettre d’Élisabeth). Il a pitié de nous, non dans son sens « négatif » mais dans le sens de compassion. Il « compatit » avec nous, de notre situation.  Par ce second service, Il nous dit « laisse-toi célébrer » « Tu as du prix à mes yeux ».  C’est l’humilité de Dieu (François Varillon).

C’est parce que nous avons « mal » qu’il nous veut « bien ». Il fait du mal un chemin d’immersion dans son salut, un instrument de rédemption. Il nous fait voir que notre « salut » vient de Lui. Nous ne sommes pas « maîtres » de l’invitation à sa Table. Nous en sommes des « privilégiés ».  Notre véritable grandeur n’est pas dans notre éloignement de Dieu, dans le mal mais dans le fait que Dieu nous fait voir son pardon. Dieu ne punit pas, il sauve. C’est nous qui refusons l’invitation de Dieu à entrer dans la fête. Personne ne peut expliquer cette attitude de Dieu, surtout pas la raison humaine.  Plus nous l’attristons, plus il s’empresse  de venir à nous pour nous sauver.

Par ce second service, Dieu confirme qu’Il ne voit pas comme nous. Alors que nous sommes naturellement portés à voir et à ne voir que le mal, Dieu, dès le début de la célébration, nous fait prendre de la hauteur vis-à-vis de nos comportements frauduleux. Un jour du temps, Dieu s’est fait notre ami « vous êtes mes amis » (Jn 15, 14) et même si nous l’avons outragé de mille manières, son regard sur nous n’a pas changé. Il nous voit avec la beauté de nos origines. À ses yeux, nous ne sommes pas voués au mal. En clamant « Seigneurs prends pitié »,  nous prenons conscience que « c’est par la grâce de Dieu (Ep 2,8) »,  que c’est un « don de Dieu » que de recevoir une telle invitation de nous asseoir à sa  table. Par nous-mêmes, nous ne pouvons rien pour nous-mêmes.

Nous pouvons bien « contrister » Dieu  - le mot est de s. Benoît dans sa règle – mais il ne sera jamais « contristé » par nos comportements. Ce sont les trahisons multiples de Pierre qui ont attiré sur lui cette question « m’aimes-tu ?».

Ce second service n’est pas facile à recevoir. Il y a au moins trois raisons qui le rend difficile :

  1. Nous nous sentons indignes d’un tel honneur. Spontanément, nous cherchons des « excuses », des « raisons » pour ne pas y participer. « J’ai acheté un bœuf, j’ai pris épouse etc. ». « Tous nous en sommes indignes ; mais c'est Jésus qui nous invite, c'est lui qui le désire. Soyons donc humbles et recevons-le d'un coeur rempli d'amour » (Padre Pio).  Le comportement de Dieu est tellement déraisonnable qu’il peut nous célébrer même si nous ne le méritons pas. 
  2. C’est nous-mêmes. Il nous est plus facile à donner qu’à recevoir. Dès notre jeunesse, nous sommes éduqués à nous débrouiller tout seul. 
  3. Notre manque de foi, de confiance en Dieu. Nous désespérons plus de nous-même que Dieu désespère de nous. Et puis, même si nous chutons plus que sept fois, il nous relèvera avec joie plus que sept fois.

Ce service atteste que Dieu nous célèbre au-delà de nos apparences. Il nous célèbre parce que nous ne pouvons pas vivre sans être des «  célébrés ». Par son invitation, Dieu rejoint notre cœur profond.  Alors que nous gémissons et nous lamentons sur ce mal que nous détestons mais que nous faisons, le cœur de  « Dieu prête l’oreille à la clameur des malheureux » (Ex 3, 7).  Il n’y a pas de limite à cette fête de Dieu parce qu’il n’a pas de limite à nous relever.

Le plus petit de nos actes peut contrister Dieu. Il ne pourra jamais ternir la fête qu’il souhaite tant nous offrir. Le plus petit de nos actes peut aussi lui faire tellement plaisir.  La moindre indélicatesse, le fait souffrir à mort comme la moindre délicatesse peut le ravir. Il est le médecin qui s’empresse de trouver le malade. « Il est venu pour les malades ».  Il est le berger qui se met à la recherche de la brebis égarée (lc15, 4). Il est cette femme qui allume une lampe à la recherche de la pièce d’argent perdue dans sa maison jusqu’à ce qu’elle la trouve.

Le deuxième service nous pousse à ne pas avoir honte d’être « imparfait ». Cela nous conduit à tout attendre de Dieu. Ce service confirme l’engagement de Dieu à se dévoiler en acte comme « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».  Nous ne pouvons rien enlever à la béatitude de Dieu.  

 

Questions

Que signifie pour moi la beauté de ce « geste pardon » du Christ ?

Quel lien voyez-vous avec son invitation à vous célébrer?

LE SACREMENT DE LA PAROLE  

Si le second crescendo ou service nous offre d’admirer le regard que Dieu pose sur nous, un regard qui relève, qui sauve, le troisième crescendo nous présente « ce qui est écrit pour moi (Ps 40,8) » dans le livre de la vie.  La Parole de Dieu, ce « miroir le plus merveilleux » (Ephrem de Nisible) qui puisse nous montrer Dieu, est écrite pour moi. Elle est proclamée pour moi qui suis assis à sa Table. Ce n’est pas de l’accessoire. Ce qui nous est « proclamé » est un appel à « vivre » comme des « exégèses » vivantes, des « évangiles vivants ».   C’est la Parole entendue qui donne une forte inspiration évangélique à nos vies.

    Il ne faut pas oublier que « lorsqu'on lit dans l'Église la sainte Écriture, c'est Dieu lui-même qui parle à son peuple, et c'est le Christ, présent dans sa parole, qui annonce son Évangile ». (Benoît XV1, sacramentum caritatis #135). Il nous redit qu’ « II est là présent dans sa parole, puisque lui-même parle pendant que sont lues dans l'église les Saintes Écritures » (Constitution sur la liturgie # 7).  

Nous ne le réalisons pas assez, mais la Parole n’est pas de l’accessoire. Que serait un bon menu si nous nous retrouvions autour d’une table sans parole, sans converser entre nous.  Dans l’esprit de la célébration que Dieu nous offre, sa Parole est « l’accomplissement des Écritures». C’est le cadeau de Dieu aux célébrés que nous sommes.  L’écriture est « née de la liturgie » ( L.-M. Chauvet, Symbole et sacrement, Paris, Cerf, coll. « Cogitatio fidei », 144, 1987, p. 206-218), du besoin du peuple d’avoir des textes pour louer Dieu.  

Pour plusieurs, la liturgie de la Parole demeure le seul texte qu’ils lisent. Les Pères du Concile avaient bien compris cela quand, dans la constitution sur la liturgie, ils demandaient que «  l’accès à la sainte Écriture soit largement ouvert aux fidèles du Christ # 22 ». (Pour approfondir ce lien entre bible et liturgie, 

À chaque eucharistie, Jésus nous ouvre le jardin de son cœur, le jardin de son Eden,  et une voix nous crie : «Ouvre ta bouche et mange ce que je vais te donner». (Ez2, 8) Par sa Parole, Dieu nous parle au cœur «  je vais la séduire, je la conduirai au désert et là, je parlerai à son cœur (Os2, 16) ».

Si nous pouvions prendre conscience que la proclamation de la Parole  est une « lettre envoyée par le Dieu tout-puissant à sa créature » (Grégoire le Grand). Une lettre qui nous informe sur Dieu et qui nous pousse, selon une expression bien de chez nous, à « nous regarder dans le miroir ». En même temps que nous écoutons la Parole de Dieu, parole qui est un véritable livre à lire et à vivre, elle nous ramène à nous-même, nous questionne sur la place qu’elle tient dans nos vies. Elle nous oblige à nous situer devant elle.

Ce troisième service,- celui de la Parole -  est à la fois histoire de tout ce que Dieu a fait pour nous sauver et événement à vivre aujourd’hui. Cette Parole ne nous est pas donnée pour être seulement comprise, mais pour être abordée comme un seuil de mystère. Elle n'est pas faite pour être seulement lue, mais pour être reçue en nous. Chacune des paroles entendues est « esprit et vie ». « L’écriture » dit le théologien Urs Von Balthasar (la prière contemplative, Desclée, p.29) «raconte et contient une histoire et un événements originels à partir desquels toute vie devient pour la première fois histoire et événement ». Une histoire nous est racontée qui se transforme aux « oreilles qui écoutent (Mc4, 10) » en événement transformant.

Ce troisième service, il faut longuement le goûter, le savourer, le garder à la manière de Marie, l’intérioriser dans la foi, le contempler, le ruminer pour que la Parole entendue devienne un «événement» qui « s’accomplit» (Mtt5, 17), s’incarne en nous jusqu’à transfigurer notre agir quotidien. Le risque est toujours grand devant cette Parole, d’être comme « des ossements desséchés » (Ez). Saint Paul écrit aux Romains qu’il n’est pas suffisant pour être justes au regard de Dieu d’écouter la Parole, mais c’est en l’exécutant que nous serons justifiés (2,13) et que nous manifesterons comme le chante le Magnificat, les merveilles que le Tout Puissant accomplit en nous.

Double beauté

   La beauté de nous laisser célébrer par Dieu prendra tout son sens quand nous vivrons de sa Parole.…ensemble. Quand nous en ferons une « écoute priante ».  C’est en la vivant, en la priant qu’elle prend sens, qu’elle devient « vie, mouvement et être » (Ac17, 28). La parole entendue possède en elle-même tout ce qu’il faut pour transfigurer nos vies si nous savons nous « exposer » à son action comme nous apprécions nous exposer au soleil pour nous réchauffer. Et c’est en Église, ensemble que nous le faisons.

La Parole est Parole de vie si elle nous fait vivre, nous transforme et, aussi, si elle continue à transmettre la vie, si , avec l’aide de l’Esprit de Dieu elle provoque à la vie.

               Conclusion : vous comprenez alors pourquoi que, devant un 3e service, Benoît XVI pouvait écrire dans sa lettre post-synodale : « avec le Synode, je souhaite que la liturgie de la Parole soit toujours dûment préparée et vécue. Je recommande que dans les liturgies, on porte une grande attention à la proclamation de la Parole de Dieu par des lecteurs bien préparés (#45). »

Questions

Quand nous entendons ce « toast », sommes-nous réellement en mesure de dire comme Jérémie : « Ta parole était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur » (Jr15, 16)?

Avons-nous la certitude « qu’aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture » (Lc4, 21)?

De quelle manière la Parole de Dieu nourrit-elle le présent de nos vies ?

Comment nous préparons-nous à nous laisser gâter par cette Parole de Dieu ?

LE SACREMENT DU SOUVENIR : LITURGIE EUCHARISTIQUE

« Quelle fête est préparée ? Voici qu’un Maître a invité ses serviteurs et leur a préparé son propre corps en nourriture ! Qui oserait manger son Maître ? Et pourtant le Maître dit : "Qui me mange vit par moi". Manger le Christ, c’est manger la vie. » (Augustin) Dieu nous célèbre en s’offrant Lui-même. C’est lui que nous mangeons. Dieu nous a envoyé son Fils, le pain des anges (Ps 77,25), pour nous « combler de toute bénédiction céleste et grâce » (Canon romain).  

Cette table que Dieu nous offre, est plus « appétissante » que celle pourtant inédite, qu’il avait offerte à Adam. Que celle de la manne qu’il a fait pleuvoir durant plus de quarante ans dans le désert. Quand nous entendons dire : « Le corps du Christ »,  et que nous répondons « amen », « c’est toute l’essence divine que nous recevons dans ce Sacrement » (Catherine de Sienne). « Nous devenons Lui » (Augustin). Mystère de réciprocité dont je parlais la dernière fois.  Dieu nous célèbre mais nous célébrons son immense amour pour nous. Mystère d’union mutuelle, d’union intime entre Dieu et nous, entre nous et Dieu.

Dieu nous célèbre pour que plus jamais nous n’ayons ni faim ni soif. Pour qu’Il (Dieu) n’est plus faim et soif non plus (1ière causerie). Pour nous réintroduire dans un paradis. « Nous avons été chassés du paradis de délices à cause d'une nourriture, c'est aussi par une nourriture que nous retrouvons les joies du paradis » (St Pierre Damien).  « Qui vient à moi n'aura plus faim, qui croit en moi n'aura plus soif. »

Question : « Peut-il y avoir rien de plus précieux que ce banquet où l’on ne nous propose plus, comme dans l’ancienne Loi, de manger la chair des veaux et des boucs, mais le Christ qui est vraiment Dieu ? Y a-t-il rien de plus admirable que ce sacrement? Aucun sacrement ne produit des effets plus salutaires…. Personne n'est capable d'exprimer les délices de ce sacrement » (Thomas d’Aquin). «Quelle grandeur dans ce sacrement!» (Augustin).

De tout ce qu’a fait Jésus durant sa vie, celui de nous inviter à sa Table, de nous « épouser », est certainement le plus beau. « C’est Toi qui donnes la vie, qui sanctifies toutes choses » (Pr euc.) Cette Table nuptiale confirme les noces mystiques de l’Agneau et de l’Épouse (Eph 5, 21-24,32 ; Ap. 21,2, 22,5).Elle est mystère d’union, mariage spirituel de l’Époux et de l’Épouse que nous sommes. Acte mémoire de sa mort, acte souvenir de sa Résurrection, acte par lequel nous devenons Lui.  Nous devenons des « dieux » par grâce.  S’il est important, comme je l’exprimais pour le 3e service, celui de la Parole, de bien nous préparer, notre préparation pour recevoir ce 4e service est incontournable si nous voulons en apprécier avec délice son goût.

Le Psalmiste dit : « Le pain fortifie le cœur de l'homme et le vin réjouit le cœur de l'homme » (Ps 103,15). Le Christ est nourriture et breuvage, pain et vin. « Il est pain, lorsqu'il nous donne force et fermeté. Il est breuvage et vin lorsqu'il nous réjouit : « Réjouis l'âme de ton serviteur ; car j'élève mon âme vers toi, Seigneur » (Ps 85,4)  (Baudoin de Ford).

 Si nous ajoutons à ce 4e service celui de la Parole de Dieu (3e service), notre participation à cette fête nous fait goûter « des mets remplis de tous les délices » (Saint Bruno de Segni (vers 1045-1123). Oui, il est  grand ce mystère de la foi.  C’est presque trop beau pour être vrai !  Devant ce qui se fait sous nos yeux,  Jean Chrysostome s’écriait dans son commentaire sur la 1re  lettre aux Corinthiens : «  Réveillons-nous donc, et réveillons en nous la crainte de Dieu. »

Ce mets divin a différentes saveurs :

Mais ce que je veux souligner ici : ce menu principal, ce « Pain de vie » qui est servi à tous les « célébrés », ces « mets remplis de tous les délices »,  n’a pas le même goût pour chacun.

« Chacun goûte en lui une saveur différente.... Il n’a pas la même saveur pour le commençant, pour celui qui avance. Il n’a pas le même goût dans la vie active et dans la vie contemplative, pour celui qui use de ce monde et pour celui qui n’en use pas, pour le célibataire et l’homme marié, pour celui qui jeûne et fait une distinction entre les jours et pour celui qui les estime tous semblables (Rm14, 5).  Cette manne a une douce saveur parce qu’elle délivre des soucis, guérit les maladies, adoucit les épreuves, seconde les efforts et affermit l’espérance…. Ceux qui l’ont goûté « ont encore faim » (eccl 24. 29); ceux qui ont faim seront rassasiés » (Baudoin de Ford)

               Notre « goûtez et voyez que le Seigneur est bon » (Ps33, 9) sera toujours « partial » (1 Cor13, 12) comme notre connaissance de Dieu. Pour utiliser une image, nous approchons de cette table à la manière de cette femme hémorroïde qui dans la foule, touche la frange du vêtement de Jésus. Ce qui a fait dire à saint Ambroise : « heureux donc qui touche au moins l’extrémité du Verbe : car qui peut le saisir tout entier? ». Le goût de ce pain repose sur notre capacité de « demeurance » en Jésus et de Lui en nous (1re journée).

               Nous sommes devant une double évidence : Plus nous laissons Dieu agir comme maître du repas, se donner à manger, plus nous le goûtons avec ampleur. Plus nous refusons tels les invités de la parabole, d’y participer, plus nous risquons de mourir de faim, de mener une vie errante. La robe nuptiale dont parle la parabole, est de chercher les intérêts de Dieu.

Chaque jour le Seigneur célèbre des noces. Célèbre « nos » noces.  Chaque jour nous sommes tous invités à ces noces. Chaque jour une table nous est dressée pour y recevoir le pain vivant descendu du ciel et le calice de l'Alliance nouvelle. Chaque jour, nous avons besoin de ce pain – « donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien-. Chaque jour, nous avons encore faim de ce pain. Chaque jour, le Christ est pain de vie pour ceux qui croient en lui. Croire en Lui, c’est manger le pain de vie, c’est posséder en soi le Christ.  Chaque jour, nous mangeons un bon pain qui possède en lui la Vie qui n’est pas tuable et qui peut nous délivrer du mal «  Délivre-nous du mal ».

  En terminant ce 4e service par la prière du Seigneur, nous disons notre volonté « d’entrer pleinement  dans la réalisation des sept demandes que Jésus a prié son Père de nous accorder » (Edith Stein).  Elle poursuit en disant que cette fête « cette communion (à la prière du Seigneur)  nous délivre du mal, pardonne nos offenses, donne la paix du cœur, le pain quotidien pour croître. Elle fait de notre volonté un instrument docile de la volonté de Dieu. Elle purifie nos lèvres et notre cœur pour que nous puissions glorifier son Nom ».

               Ce 4e service n’a pas de prix. Nous sommes au « sommet » au « centre » de la foi.  Pour nous célébrer, Dieu s’abaisse, s’incarne, se donne et devient nous.  Il va jusqu’à s’anéantir. Notre consentement à nous laisser « épouser » - il y a des résistances – nous élève, nous transforme en Lui. « L’amour se vide pour ainsi dire de lui-même, touche à la mort et semble atteindre presque les frontières du néant…, pour élever celui-ci jusqu’à l’infini ».

              QUESTIONS :

Quelle est l'efficacité de ma participation à l'Eucharistie ?

Notre existence est-elle « changée » ?

A-t-elle une «forme» eucharistique ?

ACTION DE GRÂCE – BÉNÉDICTION ET ENVOI

Le dernier service que Dieu nous sert est un appel à  nous lever, à sortir de table avec l’audace de l’agir comme Lui. Être des « célébrés » engendre un changement en nous. Ce crescendo de fête nous conduit à vivre « selon le dimanche » pour citer une belle expression de S. Ignace d’Antioche, reprise par Benoît XV1 dans sa lettre « sacrement de l’amour » (# 72). Impossible de sortir d’une telle fête sans nous laisser entraîner dans un mouvement qui est une belle mission : donner de la dignité à notre monde. Ce mystère de Dieu qui nous élève, nous fait tellement « nouvelle personne » que toute notre existence quotidienne en est transformée. (# 70).

«Nous ne pouvons nous approcher de la Table eucharistique sans nous laisser entraîner dans le mouvement de la mission qui, prenant naissance dans le Cœur même de Dieu, veut rejoindre tous les hommes » (MC 84). La mission première consiste dans le témoignage d’une vie chrétienne cohérente devant ceux vers qui Dieu nous envoie (MC 85). Nous ne pouvons cantonner, garder pour soi, la beauté de cette fête que Dieu nous offre. «Elle  tend de par sa nature à envahir chaque aspect de la réalité de la personne» (# 71).

 

 Une telle « célébration » qui ne se prolonge pas en « sacrement du frère » (S. Jean Chrysostome), n’est pas chrétienne. Elle devient une sorte de fête païenne, une sorte de rituel sans âme.  « Ce n’est pas celui qui dit: "Seigneur ! Seigneur!", mais celui qui fait la volonté de mon Père qui entrera dans le royaume de Dieu » (Mtt 7, 21).   Nous laisser célébrer, c’est permettre à Dieu de créer en nous et entre nous un lien si fort que rien ne pourra le détruire.

« Une Eucharistie qui ne se traduit pas en une pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée » (Benoît XV1, encyclique sur l’amour #14). Jean-Paul II concluait sa lettre sur l’eucharistie qu’ « elle est une école permanente de charité, de justice et de paix pour renouveler le monde dans le Christ ». Ce  sera l’objet de notre 3e rendez-vous. Nous engager à VIVRE l’eucharistie. 

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Date: 
Vendredi, 1 mai, 2015

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