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NOUS LAISSER CÉLÉBRER PAR DIEU

  CAUSERIE #3 : NOUS LAISSER CÉLÉBRER PAR DIEU

« Il semble que tes créatures de rende fou comme si tu ne pouvais vivre sans elles, tandis que c’est Toi, notre Dieu, et que tu n’as pas besoin de nous! Pourquoi cette folie ? Pourquoi es-tu tombé amoureux de ta créature ? Pourquoi t’enivrer de son bonheur, elle qui te fuit, qui s’éloigne et que tu poursuis  »

(Catherine de Sienne, dialogues #25)

« Dieu sans moi ne pourrait vivre ».   (Angelus Silesius)

INTRODUCTION

Je vous invitais, au début de ces journées de resourcement, d’aller «d’éblouissement en éblouissement» (S. Grégoire de Nysse) devant ce grand mystère de foi. Premier « éblouissement » : Dieu a « daigné » se laisser nourrir par notre présence.  Pour plusieurs, ce fut une « découverte » stupéfiante : la stupeur de saisir que nous pouvons empêcher Dieu de mourir de faim, que nous pouvons – nous humains- nourrir la faim de Dieu. Découvrir qu’en recevant l’eucharistie, nous lui évitons de mourir de faim. Il est stupéfiant d’affirmer que Jésus est mort parce que nous avons refusé toute l’attention divine, toute la délicatesse trinitaire qu’il nous apportait. Nous avons refusé de lui procurer la joie qu’il avait de se nourrir de notre présence à sa Table. De Le Voir dépoussiérer nos pieds. Nous nous sommes positionnés du coté de la méfiance, de la désapprobation pour ses comportements déraisonnables, de la colère des chefs religieux et politiques.

Mais n’arrêtons pas là notre « éblouissement ». Dieu ne se contente pas de notre nourriture. Il nous CÉLÈBRE. Il célèbre notre DISPONIBILITÉ à Le recevoir. C’est avec beaucoup de crainte intérieure que j’aborde maintenant ce 2e volet de nos journées de ressourcement : NOUS LAISSER CÉLÉBRER PAR DIEU. C’est notre vocation. Le Cardinal Danneels disait lors du synode sur l’eucharistie le 6 octobre 2005, que « la liturgie est de l’ordre de se laisser faire, de l’accueil et de la réceptivité ». Il ajoutait que nous laisser faire, mieux nous laisser célébrer, nous évangélise. Il ne faut pas avant de participer à une fête savoir d’avance ce qui va arriver. C’est en entrant dans son « esprit » que nous en sommes transformés.   Mon regard, tout au long de cette journée, partira du regard de Dieu sur l’eucharistie et non de notre regard. J’ajoute : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas » dit saint Augustin.

Cette 2e journée – je le précise- ne se veut pas une contre-parole de celle du Congrès eucharistique qui insistera sur l’adoration, sans éviter le déploiement théâtral ecclésiastique qu’entraîne tout congrès eucharistique entraîne. Ce regard se veut ni antithèse, ni complémentaire, mais simplement « autre », pour mieux nous aider à saisir l’immensité du mystère.

Chacun a son idée personnelle du mot CÉLÉBRER. Célébrer, c’est louanger, apprécier, exalter, reconnaître les valeurs de quelqu’un ou l’importance d’un événement.  Dans le dictionnaire, célébrer, c’est procéder à quelque chose d’exceptionnel et de marquant ; c’est l’accomplir avec une certaine solennité ; célébrer un événement, une personne, un exploit ; c’est le marquer d’une manifestation particulière. Dans le mot, il y a l’idée de joie, d’exaltation, de reconnaissance. 

LA CRÉATION COMME CÉLÉBRATION DE DIEU

Dieu a lui aussi sa « petite idée ». CÉLÉBRER, ce fut le premier mot de Dieu à l’aurore du monde. Il le trouva beau et bon « Dieu vit et dit ». La création est une véritable célébration de Dieu. Le livre de Ecclésiaste dit : «  Ce qui fut, cela sera, ce qui s’est fait se refera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil (Qu1, 9) ».  Depuis les débuts du monde, Dieu a les yeux sur nous. Il nous a à l’œil. Nous sommes « suspendus » à une action créatrice du désir de Dieu de nous célébrer, nous sommes « condamnés » à être célébrés par Dieu parce que nous avons du prix à ses yeux. Il ne s’agit pas ici d’une action remontant dans un lointain passé, mais d’une action quotidienne de Dieu à souffler en nous son désir de nous voir à son « image et ressemblance ».

En témoigne l’empressement de Dieu à sortir Adam des « bosquets du Paradis » pour le réintroduire dans un autre paradis.  Cela est aussi confirmé par les premiers mots adressés à Marie, à l’aurore du Nouveau Testament : « Réjouis-toi ». Dans notre mentalité, toute réjouissance se traduit par une célébration. La seconde création est à l’image de la première : une célébration. Et l’eucharistie en sera le sommet. Elle en est aussi la route première.

NOUS AVONS DU PRIX À SES YEUX

Un regard attentif des comportements et attitudes de Dieu à notre endroit, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau testament, montre que Dieu nous écoute, nous regarde, qu’il ne semble vivre que pour nous contempler, nous regarder, nous célébrer. Il nous regarde avec beaucoup d’attention, avec admiration. « Toi ma colombe, mon unique » dit l’époux à l’épouse du Cantique.  En Jésus, Dieu nous manifeste une complaisance sans fin. Il nous regarde le premier pour que nous le regardions. « Nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier » (Jn4, 19). En agissant ainsi, Dieu nous fait sortir de l’anonymat. Nous devenons quelqu’un. Nous avons du prix à ses yeux. Concevoir qu’un Dieu puisse s’intéresser à nous est « stupéfiant ».

Pour le dire en terme imagé, s’il n’en tenait qu’à Dieu, nous serions en permanence à une table des noces. Nous sommes la fierté, la richesse de Dieu, sa vie, sa joie. Nous sommes tout pour lui. Il semble bien, à lire l’ancien comme le nouveau testament, que Dieu ne peut se passer de nous. Dieu nous a rendus capables, dignes d’objet de sa fête. D’être aimés par Lui. Ce qui devrait nous étonner à chaque eucharistie, c’est que le miracle qui se vit, est de réaliser que Dieu nous élève, nous donne de la dignité.

Maurice Zundel disait souvent que Dieu a « baissé les yeux » vers nous pour que nous comprenions qu’il a mis en nous, une valeur tellement grande et belle. Oui, Dieu a de la dignité envers nous.  En le rejetant, refusant, il nous manque quelque chose et nous lui faisons vivre un « enfer » insupportable. Pour entendre cela, il faut prêter l’oreille à ce qui ne s’entend pas. Le plus grand savoir humain ne se dit pas pour ne pas effacer sa grandeur.

Nous sommes tellement peu indifférents au cœur de Dieu que notre réponse, notre FIAT lui en fait perdre la tête. Il devient ivre de joie. Il est prêt à tout excuser, tout oublier. Il est tellement heureux ce Dieu, tellement heureux de pouvoir nous porter sur ses épaules comme la brebis égarée, qu’Il nous « fait la fête », tellement heureux du retour du fils prodigue qu’Il s’empresse de lui remettre une bague au doigt, un signe d’alliance retrouvée, de lui offrir un festin d’une telle ampleur qu’un autre fils, demeuré à la maison, s’en offusque. « Il en va du Royaume de Dieu comme un roi qui fit un festin de noces (Mtt22, 1-14)». 

Le problème ici c’est que les invités font sourde oreille à l’invitation. Tant de choses à faire plutôt que d’entrer dans la fête. Dieu nous donne tout. Il se met à la portée de notre main. Nous faisons la fine bouche. Nous regardons d’un air distrait ou dégoûté.

« Il semble que tes créatures de rende fou comme si tu ne pouvais vivre sans elles, tandis que c’est Toi, notre Dieu, et que tu n’as pas besoin de nous! Pourquoi cette folie ? Pourquoi es-tu tombé amoureux de ta créature ? Pourquoi t’enivrer de son bonheur, elle qui te fuit, qui s’éloigne et que tu poursuis  » (Catherine de Sienne, dialogues #25)

NOUS SOMMES UNIQUES 

Plus encore, chacun de nous est unique pour lui. Nous faisons « partie » intégrante du « tout » de Dieu. Dieu nous a appelés au milieu d’une immense multitude pour faire de nous l’unique épouse de son Fils. « Toi ma colombe, mon unique » dit l’époux à l’épouse du Cantique. Le mystique orthodoxe Angelus Silesius (1624-1677) affirmait que « Dieu sans moi ne pourrait vivre ».  Le Père ne peut vivre sans son Fils. Ce sont deux inséparables. Le Père et le Fils ne peuvent vivre sans nous, ne peuvent vivre sans se pencher vers nous dans une complaisance éternelle, sans une complicité éternelle. C’est dans la nature même de Dieu de nous relever, de célébrer notre présence à sa Table.

Il faut savourer longuement cette conduite déconcertante de Dieu à notre endroit. Cette conduite « déraisonnable » - un Dieu qui nous célèbre – contient l’inexplicable de son geste au soir de sa passion.  Ne perdons pas de vue ce comportement déraisonnable de Dieu. Ne nous habituons pas à être des « invités », j’ajoute « célèbres » pour Dieu. L’eucharistie, c’est un Dieu qui nous dit sa joie de ne pas être mort en nous. Elle confirme l’humilité de Dieu «  jusqu’à la mort » (Ph2, 8) de se nourrir de nous, de nos personnes (1re  journée), jusqu’à nous désirer comme « épouse ».

Dieu est tellement heureux de nous voir accepter son invitation de participer, par grâce, à sa Table, de nous voir disponibles jusqu’à lui dire « FIAT », qu’ « il exulte de joie en notre présence ». L’eucharistie, c’est le FIAT de Dieu à notre endroit.  « Ce n’est pas l’aliment eucharistique qui se transforme en nous, mais c’est nous qui sommes mystérieusement changés en lui (Mysterium caritatis  70-71) ». Dieu nous donne de l’importance, du prestige, nous élève. « Dans mon Royaume, je serai Dieu et vous serez Dieu avec moi » chante un tropaire de l’Eglise Orthodoxe le Jeudi saint au soir.

Nous avons ici la réponse à cette question universelle pourquoi vivre : pour être des « invités » à une fête, pour être la joie de Dieu. Dieu ne cherche rien en nous mais nous sommes tout pour lui.

REGARDONS MARIE 

Quand Marie a exprimé son MAGNIFICAT, quand elle a chanté « Mon âme exalte le Seigneur »,  elle venait d’entendre des paroles humainement inaudibles : «tu es comblée de grâce ». En un instant, elle fut « troublée » de se savoir « choyée », en « grâce » avec Dieu, « belle » aux yeux de Dieu.  « Tu es toute belle (Ct4, 1) », « bénie entre toutes les femmes (Lc 1,42) ».  En retour de ce qu’elle recevait de Dieu, en retour de cette « grandeur » que Dieu lui faisait « de venir jusqu’à elle », en retour de cet état de grâce, elle lui a retourné simplement son admiration pour l’admiration qu’elle recevait de Dieu.

Le chant de Magnificat, célébration par excellence de la grandeur du projet de Dieu, a été précédé par le MAGNIFICAT de Dieu à l’endroit de « son humble servante ». Marie exalte le Seigneur parce qu’elle a d’abord été reconnue par Dieu qui l’a exaltée, louée, appréciée, célébrée.  Même si elle se savait à une infinie distance de la salutation de l’ange,- sorte de MAGNIFICAT de Dieu à son endroit -, Marie avec humilité, a accepté d’être reconnue, louangée, célébrée par Dieu même si elle ne pouvait rien apporter d’autre, en retour, que son « humble servante ». À ses yeux, elle ne méritait pas un tel éloge. Pour elle, Dieu la célébrait pour rien. 

Même si nous sommes à une distance quasi infinie de Marie, chacun de nous fait l’expérience de ce qui est arrivé à Marie. Marie n’a fait que répondre au Magnificat de Dieu à son endroit. Elle n’a fait que manifester, célébrer sa joie d’être célébrée par Dieu. Tout cela se réalise en nous quand nous participons à l’eucharistie. L’eucharistie est le MAGNIFICAT de Dieu qui célèbre ce que nous sommes à ses yeux : dignes de sa Table. Heureux les invités. Dieu nous exprime ainsi que nous sommes tellement au centre de sa vie, qu’il accepte même de se « livrer à nous ». Qui donc est Dieu pour agir ainsi ? Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ?

HEUREUX LES INVITÉS 

Que désirons-nous le plus ? Quand j’écoute les aspirations les plus profondes, les miennes et celles des autres, le mot qui ramasse le mieux nos désirs, est celui d’être reconnu, d’avoir bonne réputation, d’être quelqu’un, d’être « bien-aimé ». Or à chaque eucharistie, nous entendons cette invitation qui dépasse l’imaginable. « Heureux les invités ». Que pouvons-nous désirer de plus ? C’est une véritable « pro-vocation » en regard de nos pauvretés humaines, de nos incapacités de répondre à une telle offre. Cette invitation confirme qu’il y a en nous une similitude avec Dieu (cf 1re causerie : image des deux cierges).  Quelle grandeur, quelle dignité d’être « l’ouvrage à découvert de l’ouvrier caché (s. Augustin) » Mais une telle « pro-vocation » exige de notre part un dépouillement pour entrer dans la manière choisie par Dieu de nous « faire la fête ».

Pourtant si nous analysons bien nos réactions intérieures, être des « invités »,- un cadeau inattendu s’il en est un,-  nous donne des ailes,  nous stimule. Cette invitation est vitale. Elle nous redonne du souffle, nous libère de nos fausses vies. Elle nous donne un nouvel élan. Du tonus.

Aucune invitation ne saurait être comparable à celle de nous voir « invités » à une fête que Dieu organise, que Dieu nous organise. Nous sommes invités à goûter aux fruits d’un festin divin. « Nous sommes ce que nous mangeons » (Augustin).  Il faut redécouvrir avec fierté ce privilège d’être « invité » à  cette table sacrement du monde nouveau. Qu’est-ce que Jésus aurait pu faire de plus que de nous « inviter », que de nous honorer de sa Table? Nous pouvons tout essayer pour rendre nos liturgies « vivantes », plus belles, plus attirantes, mais la partie est déjà perdue d’avance, si nous ne percevons pas que la première beauté de la liturgie est de nous savoir des « invités », des « célébrés » par Dieu.

Cette beauté-là désarme.  Nous sommes jugés dignes d’être des « invités ».  En tant qu’ « invités », nous entrons dans une dynamique qui ne nous appartient pas. C’est du ressort unique du Maître des noces de nous recevoir comme il le veut. En d’autres mots, le rituel de la fête à laquelle nous sommes « invités » ne nous appartient pas. Nous détourner de ce rituel voulu par le Maître du repas, c’est tourner nos regards vers nous-mêmes, vers nos « moi », nos goûts personnels.   « Une liturgie qui oublie de tourner son regard vers Dieu, a dit Benoît XVI aux moines du monastère  Heiligenkreuz  en Allemagne (7 sept.2007)  « est, par là même, sur le point de disparaître ».

Dans notre culture, recevoir une invitation confirme que nous avons de l’importance, que nous comptons pour celui ou celle qui nous invite. Dieu nous « invite » parce que nous comptons à ses yeux, nous sommes importants pour Lui.  Nous ne pouvons pas vivre sans amour. Nous ne pouvons pas vivre sans nous sentir « bienvenus », nous savoir « célébrés » « reconnus » par quelqu’un. Nous ne le réalisons pas assez. Nos célébrations ne sont qu’un retour d’ascenseur à Dieu qui d’abord nous « invite » à sa fête. Nos célébrations ne sont que des signes de reconnaissance que nous lui retournons.  Je le redis « il nous a aimés le premier ». Le premier, il nous a célébrés. 

Question : que pouvons-nous bien lui apporter ? Une bouteille de vin?  La réponse est torturante : Rien. Nous savons fort bien que nous ne pouvons rien lui apporter de ce qu’il a déjà, que nous ne pouvons rien ajouter à sa gloire. Nous Le célébrons simplement pour « faire connaître davantage sa splendeur » disait au X11e siècle Adam de Perseigne (Sources vives #136, décembre 2007.)

CÉLÈBRER POUR RIEN

« Dieu prend l’initiative ». Nous sommes célébrés, des « célébrés » de Dieu pour rien. C’est ce que nous laisse voir toute la Bible. Si nous étions célébrés pour quelque chose, nous vivrions dans la crainte de poser des gestes qui n’attirent plus Dieu et qu’il pourrait ne plus se souvenir de nous. Dieu peut-il trouver en nous quelque chose de « CÉLÉBRABLE »? Si Dieu nous célèbre pour rien, cela devrait nous tranquilliser l’esprit.   Nous n’avons rien à faire pour être des célébrés de Dieu sinon que lui offrir notre disponibilité : FIAT. Marie en le prononçant éprouvait dans tout son être sa non dignité.  Ne demandons pas pourquoi Dieu nous célèbre. Pour rien. Il veut -et c’est tout son être divin qui transpire là-dedans- être lui-même. Dieu ne dépend de rien. Il ne dépend que de lui-même. Il nous célèbre sans raison comme il n’a aucune raison de nous aimer. 

Nous laisser célébrer par Dieu, nous place au cœur de la gratuité de Dieu. Notre seul programme de vie consiste à être la joie de Dieu. À laisser Dieu trouver sa joie en agissant comme IL le veut. À ne pas le « contrister » dirait Benoît dans son prologue. Dieu ne cherche rien en nous. Face à cette manière d’agir de Dieu, de nous élever, - d’élever son humble servante - nous sommes paralysés. Peut-être, diraient les mystiques, la paralysie de l’extase. Comment agir autrement, vivre autrement quand nous saisissons que Dieu nous célèbre pour rien.  Nous savons très bien que nous n’avons rien à lui donner. Pourtant nous pouvons être « tout » pour Lui.

NOTRE RÉPONSE : MAGNIFICAT

Quand nous laissons Dieu nous célébrer, nous donner de l’importance, nous considérer comme uniques, c’est un autre chemin pour faire connaître sa splendeur.  Le MAGNIFICAT est un chant d’action de grâce qui exalte la grandeur de Dieu qui « élève les humbles ». Simple retour d’ascenseur de Marie, qui « rend grâce à Dieu pour la grâce qu’elle a reçue de Dieu (1 Co1, 4)  ».   

Pour l’honneur que Dieu nous fait de nous avoir à sa Table, nous lui exprimons notre gratitude. Nous lui rendons grâce.  Rendre grâce, ce n’est pas donner quelque chose en échange de ce qu’on reçoit de Lui. Nous ne pouvons rien donner à Dieu qui a tout, qui est tout. Rendre grâce, c’est une attitude élémentaire d’un « savoir vivre »; c’est reconnaître que nous sommes gâtés. C’est ce qu’a fait Marie dans son Magnificat. C’est ce que nous faisons dans l’eucharistie : nous rendons grâce à Dieu d’avoir été « choisis pour servir en sa Présence » (2e pri. euch.).  Vous reconnaissez ici toute l’attitude du Magnificat. Marie a exalté son Seigneur parce son Seigneur était avec elle. Simple retour d’ascenseur.

CONCLUSION : se préparer à bien vivre l’invitation de Dieu.

La beauté de cette invitation de Dieu à nous célébrer repose sur notre préparation à la fête. Ce qui a fait le succès de vos soixante ans, ce fut ce long temps de préparation qui l’a précédé. Quand nous revenons d’une fête, ce qui fait « mémoire » en nous, ce qui nous en reste, c’est que son succès repose sur une longue préparation. « Il y avait beaucoup de travail là-dedans ». À l’opposé,  quand cette préparation n’est pas au rendez-vous, nous entendons les gens dire : « Ça manquait de préparation » « Ç’était pas préparé ». « Ç’était de l’improvisation ». La réussite de toute fête repose sur la qualité de sa préparation -  Dieu s’est longuement préparé à se livrer pour nous - et de notre préparation à nous livrer à Lui, à participer à sa joie divine.

La non préparation est synonyme d’improvisation, de «  pas sérieux ». Pour bien recevoir des « invités » à notre table – choix du menu, achats, cuisson, table montée, ménage, etc. – prend souvent plus de temps que le temps que nous passons avec eux. Se préparer à une fête (à un voyage) est plus long que la durée de la fête ou du voyage. C’est dans la préparation de l’hôte comme du « célébré », que se trouvent la qualité de l’accueil, la réussite de la réception et la satisfaction aussi. 

Cela est aussi vrai quand il est question de célébrer l’eucharistie. D’être célébrés par Dieu. Nous pouvons bien participer à une fête sans entrer dans l’ « esprit » de la fête. Il faut nous préparer si nous voulons donner sens et du sens à la célébration. Sans cette préparation, toute célébration risque d’être du « déjà vu », du « déjà entendu ». Elle perd de l’intérêt. Il faut nous mettre à table avant d’être à table. Il faut intérioriser la structure et les mots de la liturgie, intérioriser les mots de Dieu pour bien célébrer. Pour bien nous laisser célébrer par Dieu. Si les célébrations de vos soixante ans de fondation ont été enrichissantes,  c’est qu’elles ont été longuement préparées.

Il ne suffit pas d’être physiquement présents quelque part pour conclure que nous avons participé à une fête. Souvent nous y sommes sans y être. Nous sommes présents de corps mais notre esprit est ailleurs.

C’est le philosophe Heidegger qui disait : « l’homme est tellement souci qu’il lui est difficile de vivre autrement ». Pour bien célébrer, pour bien vivre l’invitation de Dieu, il faut « désencombrer son mental » pour être vraiment de la fête. Il faut fermer toutes les portes. « Quand tu pries, ferme la porte ». Origène au 1re siècle écrivait au sujet de la prière mais cela vaut pour l’eucharistie :

« On n’imagine pas que quelqu’un vienne à l’oraison sans préparer son cœur. En premier lieu, celui qui se dispose à prier aura grand avantage à adopter une attitude qui l’aide à se mettre en présence de Dieu et qui l’aide à lui parler comme à quelqu’un qui le voit et lui est présent. Certaines images ou certains souvenirs d’événements passés encombrent l’esprit qui se laisse envahir par eux. Il est utile de se souvenir que Dieu est là et qu’il connaît les mouvements les plus secrets de notre âme » (Petit traité sur la prière, 8-9 ; PG 11, 442-443 (trad. Orval)

Quand nous répondons à l’invitation de Jésus, il faut nous préparer à nous laisser transformer par elle.

Ce sera l’objet de ma prochaine réflexion.

 

QUESTIONS :

Comment nous préparons-nous à célébrer l’eucharistie ?

Comment nous préparons-nous à accepter une telle invitation de la part de Dieu ?

Comment nous préparons-nous à donner de la « beauté » à cette invitation de Dieu ?

Comment nous laisser manger par le Christ ? (1re journée)

Comment nous laisser célébrer par Dieu ?

Comment répondre «  voici la servante… qu’il me soit fait » si nous ne sommes pas « disposés » à  ce que Dieu fasse tout en nous ?

Comment « laisser Dieu être Dieu pour toi ?» (GUEULLETTE, Jean Marie; Laisse Dieu être Dieu en toi, Petit traité de liberté intérieure, Éditions du Cerf, Paris 2002).

Comment pleinement participer à la célébration que Dieu nous offre ?

Quelle émotion nous habite quand nous sommes saisis par ce grand mystère d’un Dieu qui nous célèbre ?

 

 

 

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Date: 
Vendredi, 1 mai, 2015

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